jeudi 24 décembre 2009

Je rêve à une chose, disait le maître

J'y pensais l'année dernière, sur la plage du Fort-Bloqué, Keragan de son vrai nom. C'est le destin, disent les uns, pas de hasard, disent les autres, hasard objectif, cherchait André Breton...


"Le Maître – Je rêve à une chose, c'est si ton bienfaiteur eût été cocu parce qu'il était écrit là-haut, ou si cela était écrit là-haut parce que tu ferais cocu ton bienfaiteur ?

Jacques – Tous les deux étaient écrits l'un à côté de l'autre. Tout a été écrit à la fois. C'est comme un grand rouleau qu'on déploie petit à petit. »

Vous concevez, lecteur, jusqu'où je pourrais pousser cette conversation sur un sujet dont on a tant parlé, tant écrit depuis deux mille ans, sans en être d'un pas de plus avancé. Si vous me savez peu de gré de ce que je vous dis, sachez-m'en beaucoup de ce que je ne vous dis pas.

Jacques le Fataliste
. Diderot.



A Keragan

matin d'hiver

la marée de la nuit a effacé les traces

sculpté le sable

en ondulations aléatoires.



Autour de l'île

elle suit les stries

marche entre les lignes

de ce yi-king

y cherche en vain

le dessin de son destin

voudrait déchiffrer

les trigrammes

les pictogrammes

laissés par les algues

comme un dictame

à Keragan.



Elle interroge les nuages

voudrait savoir où est son île

demande au cormoran :

il reste indifférent



Un jeune cadavre de crabe

gît sur l'estran

dans son linceul de laminaires :

quel coup de dé a aboli le hasard

cette nuit à Keragan ?..



Mais déjà s'efface

l'écriture ogham

sur la plage blanche

à Keragan.



Elle interroge l'oiseau

le goéland bavard :

connaît-il le chemin solitaire

de l'étranger qui passe peut-être le soir

à Keragan ?…



L'oiseau s'envole et ricane.



Il est midi

un jour d'hiver ordinaire

à Keragan…




Un 24 décembre, Le Fort-Bloqué ou Keragan
publié par Encres vives








lundi 21 décembre 2009

Kenneth White, l'orient et l'occident

Cadeau de Noël
Pour tous ceux qui connaissent  Kenneth White, en cliquant sur le lien ci-dessous, vous trouverez un document INA où il est interviewé par Léon Zitrone, il y a quelques décennies...
http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/CAB8000277101/kenneth-white.fr.html

samedi 12 décembre 2009

Femmes en littérature dans Armor Magazine de décembre 09

Existe-t-il une poésie féminine? Fait-il dire "une poétesse", "une poète", "une femme poète"?
Pour moi, le poète est androgyne, si je regarde le roc ou  la terre,  l'arbre ou le ciel,  mon regard n'est pas féminin ou masculin, il n'est ni l'un, ni l'autre et les deux à la fois. C'est Nathalie Sarraute qui a fait remarquer qu'en français, le masculin est neutre.
Quant au mot "poétesse", ses connotations sont si étranges, sa sonorité si laide, qu'on s'étonne qu'il soit encore usité. La mairesse a disparu, pas encore la poétesse. Dirait-on une marinesse pour une femme marin? Pourtant on peut paraphraser la phrase que je crois être de Patrick Raynal: "Il y a les hommes, les femmes et les marins" par "Il y a les hommes, les femmes, et les poètes".
"Quand sera brisé l'infini servage de la femme,quand elle vivra pour elle, et par elle, l'homme, jusqu'ici abominable - lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi ! La femme trouvera de l'inconnu! - Ses mondes d'idées différeront-ils des nôtres?-"
                                                                                                                                     Arthur Rimbaud



lundi 23 novembre 2009

La lettre de Jean-Michel Guénassia aux lycéens (où il est aussi question de liberté...)



Editions Albin Michel





A toutes les lycéennes et à tous les lycéens

qui ont participé à la 22ème édition du Prix Goncourt des Lycéens









Ca a été une très belle aventure. Depuis le début. L'annonce que le roman était retenu dans la liste du Goncourt et puis, la tournée. Des rencontres avec des lycéens dans toute la France ! Quelque chose d'un peu mystérieux et énigmatique. Que va t-il se passer ? Va t-on être lâché dans la cage aux fauves ? On n'est pas très rassuré. Mais avant, il y a la rencontre avec les autres auteurs parce que nous ne nous connaissons pas ou peu ou mal, que nous avons, finalement, peu d'occasions de nous croiser, pris que nous sommes entre nos métiers, nos vies et l'écriture. Cette année, je me suis fait quelques amis. Ce n'est pas si fréquent. C'est même rare de nos jours. Maintenant, on se téléphone, on s'envoie des courriels et on se promet de se voir. Ensuite la rencontre avec les libraires des Fnac, sans qui rien ne serait possible. Qui se coupent en quatre, qui ne comptent ni leurs heures ni leur enthousiasme, ni leur plaisir et avec qui on parlerait des journées entières. Comme avec les professeurs. Il faut être un peu fou pour faire ce qu'ils font. Comme s'ils n'avaient pas assez de boulot avec les cours à préparer, les copies à corriger, les réunions et le reste. Non, il faut qu'ils lisent et fassent lire quatorze livres ! Qu'ils donnent encore un peu plus de force, de passion et de leur infinie patience. Et puis voila, le moment arrive de rentrer sur la piste. Un peu comme au cirque. On se retrouve face à quelques centaines de visages inconnus, aussi sur leurs gardes que nous. Beaucoup sont attentifs, ont préparé des feuilles avec des listes de questions (Mon dieu, est-ce que je vais savoir répondre ?), d'autres rigolent, roupillent ou se bécotent. Certains ont lu deux ou trois livres, d'autres plus. Ils devront lire en un temps record. Je ne sais pas comment ils vont faire. Je lis lentement. Et puis les questions commencent. Ca ne se passe pas si mal. Elles sont précises, drôles, pointues. Très vite, on oublie qui on est, qui vous êtes et on se parle. Comme des amis. Sans arrière-pensée. Toutes les réunions ont été trop courtes, on a tant de choses à se dire.



Je conserverai toute ma vie un souvenir extraordinaire de ces rencontres avec vous parce qu'à chaque réunion, il y a eu un moment exceptionnel, avec un auteur qui va chercher une réponse au fond de son coeur et, à ce moment-là, ça a été merveilleux. Je me souviendrai toujours d'Eric Fottorino et de Justine Lévy à Reims trouvant des mots d'une extraordinaire simplicité et d'une clarté bouleversante pour nous parler de leurs émotions et de leurs vécus (à ce moment, ils m'ont donné envie de lire leurs livres) ; de Sorj Chalandon à Nantes, soulevant la salle par son enthousiasme et à sa passion communicative et de Daniel Cordier à Paris, racontant son itinéraire et son évolution dans un silence de cathédrale puis les lycéens et la salle entière faisant une ovation debout à ce grand monsieur.

De mon côté, cela faisait longtemps, je ne me rappelle plus quand exactement, que je n'avais pas eu la chair de poule. Je ne suis pas près de l'oublier. Quand j'ai reçu un appel sur mon portable et que j'ai entendu la clameur à l'énoncé du prix. J'ai eu un grand frisson. Et une bouffée de chaleur. Je devais être rouge. La même émotion que Michel face à Camille. Merci à vous tous pour cette belle émotion, qui un court instant, m'a ramené quelques années en arrière quand je me liquéfiais dès qu'une fille me souriait. Quelle chance vous avez. Profitez-en. A ce moment aussi, pour la première fois, j'ai senti que ce livre que j'avais porté si longtemps venait de me quitter vraiment. Vous l'avez pris. Il est devenu le vôtre. Il vous appartient aujourd'hui. Vous l'avez choisi. Je ne peux pas, à cet instant, ne pas mesurer la difficulté du choix que vous avez eu à faire. La sélection, cette année, était belle. Si vous aviez donné ce prix à Davis Foenkinos, à Sorj Chalandon, à Delphine Le Vigan ou à Véronique Ovaldé, cela n'aurait pas été une injustice. Leurs romans sont beaux et forts.



Pour vous, cette aventure du Goncourt des Lycéens doit être un signe exemplaire de votre vie à venir. Vous avez accompli là un choix citoyen. Vous avez travaillé, réfléchi, discuté, pesé le pour et le contre et vous avez voté. Ca s'appelle la Démocratie. (On a dit que ce n'était pas le meilleur des systèmes mais on n'en a pas encore trouvé de meilleur). C'est notre bien le plus précieux. Ca veut dire être libre dans un pays libre. N'acceptez jamais d'entrave à ce droit. Personne n'a plus à vous dire ce en quoi vous devez croire, ce que vous devez penser ou aimer. Soyez des citoyens de ce vaste monde. Il en a bien besoin.



Pour ce que vous êtes, pour ce que vous ferez et pour ces moments magiques que nous avons partagé ensemble : Merci.











Jean-Michel Guenassia





             























22 rue Huyghens 75680 Paris Cedex 14 / Tel : 01 4279 10 00 / www.albin-michel.fr  

mercredi 4 novembre 2009

Tempête d'équinoxe

Avec le nouvel an celtique arrivent les tempêtes d'équinoxe, le plaisir d'être happé par les rafales, de voir les goélands faire du surplace face au vent, les vagues exploser et déferler par-dessus la jetée de Kerroc'h...


La mer verdâtre bouillonne

explose en geysers sur le brise-lames

un seul oiseau contre le vent

un goéland aux ailes noires

essaie de se frayer un couloir.



Je me risque sur le promontoire

contre le vent je voudrais lutter

dans l'air je voudrais flotter

oui mais voilà…

le vent me renverse

et j' suis là

comme un goéland sans ailes

dans la tempête.



J' voudrais

tous les jours sur la page

donner la parole aux étoiles

dessiner le poème de leur visage

tracer le calligramme de leur âme

et vous offrir

autre chose que la vie banale et ses drames

que les peines de cœur

le travail et la sueur

que la douleur de nos vies qui s'usent

à avancer dans ce couloir gris

avec tous ces gens

qui ne disent jamais merci.



J' voudrais vous offrir autre chose

que les tristesses de la planète

que les souffrances des hommes et des bêtes

que ce spectacle quotidien

servi chaque soir aux citoyens.



J' voudrais vous offrir autre chose…

oui mais voilà

j' suis là

comme un goéland sans ailes

dans la tempête.



J'ai beau essayer

j'ai beau faire

convoquer tous mes amis poètes

ceux d'avant

ceux de maintenant

ceux de là-bas

ceux d'ici

comme eux je voudrais vous dire

les rochers granitiques

les poissons pélagiques

les voyages atlantiques

les musiques cosmiques

les particules microscopiques

les visions galactiques

les envolées lyriques

et les éveils pré-socratiques.



J' voudrais vous écrire un poème

oui mais voilà…

j' suis là

comme un goéland sans ailes

dans la tempête.



J'voudrais vous offrir la lumière

dessiner des lettres d'or

sur le front de vos vies

j' voudrais d'un simple coup d'aile

vous transporter

bien au-delà des grands trous noirs

au pays de l'aube éternelle

là où le vent joue de la harpe

avec les cheveux des étoiles.



J' voudrais vous écrire ce poème…

oui mais voilà

j'ai beau essayer

j'ai beau faire

battre des ailes sur la page…

je suis là

comme un goéland sans ailes

dans la tempête…

Publié dans Encres vives 2008, L'empreinte des cygnes 2009

jeudi 29 octobre 2009

"Ecrire, dit-elle", dans Spered gouez, une parmi 37

Voici ma modeste contribution à "la preuve par 37", comme l'a joliment écrit Jérôme Gazeau dans Ouest-France. Le deuxième texte est déjà sur le blog.  Je sollicite les 36 autres, envoyez-moi vos textes en commentaires pour que je puisse les publier.




Ecrire, dit-elle.


 

Faire comme si

c'était facile

encre rose et arabesques.


 

Mais oser

plonger dans les failles

creuser

farfouiller dans les broussailles

les entrailles

interroger les viscères

éviscérer les colères

exhumer les vieux sentiments

explorer les sédiments.

Et courir le risque

de rencontrer

un scarabée noir

une absence oubliée

une sœur effacée

une douleur enkystée.


 

Je préfère

parler aux pierres

contempler la mer amoureuse

la mouette hasardeuse.


 

Je préfère broder des mots bleus

sur le tissu blanc des chimères

tricoter la vie qui s'écoule

une maille à l'endroit

une maille à l'envers

la vie qui s'écoule

qui s'écoule

la vie qui…

la vie…






L'Esprit sauvage / Spered gouez: Femmes en littérature est sorti

Grâce au travail assidu de Marie-Josée Christien et du Centre Culturel Egin, le hors-série annoncé est sorti à temps pour le salon du livre de Carhaix. De la belle ouvrage, de haute tenue, et qui mérite d'être lu et diffusé au-delà de la Bretagne. Je l'aurai sur mon stand au salon du livre de Riantec le dimanche 15 novembre.



 


lundi 26 octobre 2009

Sorj Chalandon chante la blanche hermine

La légende de nos pères de Sorj Chalandon fait partie de la sélection de l'Académie Goncourt. J'ai été amenée à le lire puisqu'en tant que professeur de lettres, je fais participer ma classe au Prix Goncourt des lycéens. Je ne connaissais rien de l'auteur, j'avoue mes lacunes. A la lecture, j'ai été rapidement happée par la voix de l'auteur, une voix poétique, en filigrane entre les mots, une écriture de poète qui parle directement à l'esprit et au coeur. Voici un extrait, p. 58, qui touchera tous les cueilleurs de mots :
"Je marche parfois la nuit pour recueillir un mot. J'ai regardé le ciel au-dessus de la grand-place. Un ciel de juin avant l'orage. Je me suis demandé si je pouvais écrire le ciel sans autre mot que ciel. Comment décrire cet état de lumière. Comment approcher l'évident, le simple, des feuilles qui frissonnent.Parce qu'écrire "frissonner", c'est déjà s'éloigner de la feuille. Elles ne frissonnent pas, les feuilles. Elles font autre chose que ce qu'en dit le vent. Elles ne bougent pas, ne remuent pas, ne palpitent pas, elles feuillent, elles font leur bruit sans autre mot, et le ciel, il nuage."
Je n'en dis pas plus sur le livre, on trouve suffisamment de commentaires et de vidéos sur internet. Je n'ai qu'un conseil à donner : lisez-le!
Le 16 octobre, me voilà à Nantes avec mes élèves et bien d'autres pour rencontrer quatre auteurs, dont Sorj Chalandon. Il "entre en scène", si on peut dire, en chantant "la blanche hermine" de Gilles Servat. Surprise et émotion! On est loin du microcosme culturel parisien auquel nos sommes trop habitués. Et ses réponses aux questions des élèves furent d'une sincérité telle que l'émotion l'a envahi, visiblement incontrôlée, jusqu'aux larmes, émotion vécue à l'unisson par trois-cents jeunes et quelques adultes (dont moi!).
Plus tard, j'ai compris, une partie de son coeur est en Irlande où il était envoyé spécial, une partie de sa vie, une grande douleur, qu'il évoque dans son précédent roman, Mon traitre.
Merci Sorj pour ce grand moment d'humanité et de poésie!

samedi 19 septembre 2009

Conte oriental dans " Interventions à Haute Voix (IHV)"

Texte publié dans le n°43: Iles 



Chacun cherche son île


L'image d'une île flotte, indécise.

Trait de côte, bleu, blanc, courbe, sentier, granit, lichen, port, falaise, échancrure, frange d'écume, rose des arméries, odeur jaune des ajoncs en avril.

Cet inventaire

toujours le même.

Enez Groe, Enez Eussa, Houat, Hoedic, île de Batz…

Geirr ey ou Guernsey, l'île aux pins.



1855 – 1870.

Pour Victor Hugo, île d'exil.

Hauteville House, grande maison vide et hantée, aménagée selon sa vie, sa demeure.

A chaque étage, le monde s'éclaire, tout en haut, la chambre de verre, la chambre de veille, Hugo, gardien de phare, écrit debout, dans l'air et la lumière.

Et finit par aimer l'exil.



Guernsey, avril 2008.

Peu de monde sur le sentier de la falaise.

Tout au long du chemin, des plaques apposées sur les bancs. Sur l'une d'elles une phrase de Mick Ronald Robins, journaliste à St-Peter Port, 1923-1993 : « You can take the man from the island, not the island from the man »

(Vous pouvez enlever l'homme de l'île mais pas l'île de l'homme).



Janvier 1903.

Victor Segalen en Polynésie.

Ici comme ailleurs, la race se meurt…

Déception dans son Journal des îles.

1910.

A Pékin, Segalen dans sa « chambre aux porcelaines »

cherche son centre, son territoire, son île intérieure.

Il l'imagine au Tibet.

Où il n'ira jamais.

Il écrit son poème Thibet, inachevé.

Il cherche son île vers les cimes

Tout l'Etre aux horizons de naufrage.



Avril 2008.

A Lhassa, un moine est emprisonné

son ami tué par les soldats

héritiers de Mao

bien loin du Tao.

Il demande de l'encre et un pinceau.

Sur le papier il figure quelques vagues

quelques nuages

un trait : une île

un vieux pin tordu

quelques V, vols de mouettes errantes.

Et puis, au ras de la page

une barque et deux rames.

On vient chercher le prisonnier.

Trop tard, le lama s'est sauvé…



Interventions à Haute Voix, Gérard Faucheux. MJC de la Vallée - 92370 Chaville

lundi 14 septembre 2009

référencement à la médiathèque de Quimperlé

Ce blog est maintenant référencé sur le site de la médiathèque de Quimperlé, cliquez sur le lien suivant:


http://www.netvibes.com/mediathequequimperle#Vive_la_poesie_!

Le pin, palimpseste de ma mémoire

    

              "Si tu veux connaître le pin, deviens le pin"
                                          Matsuo Bashô, cité par K. White

 

  Le pin, fidèle au vent, dessine le ciel du bout des doigts. Du milieu des terres, dans le chuintement de ses aiguilles, déjà, j'entendais la mer...




Ici
les pins
nourris d'essence de lumière
agrippés au rocher
enracinés dans presque rien
un peu de roche un peu de terre
tordus par le vent
parfois blessés
une branche cassée
énergisent
adoucissent
le paysage.
Ici
sur le promontoire rocheux
je vois
veilleur vigilant délimitant l'espace
le gardien du temple.
Voir
un peu de mer un peu de ciel
entre aiguilles et branches
c'est déjà voir autre chose
aplats de couleur
calligraphie
trait de pinceau sur la soie
dans un souffle
talisman.
Cadrer un bout de roche
une branche
quelques bouquets d'aiguilles luminescentes et voir
en surimpression
une panoplie de paysages
d'ici
d'ailleurs
oubliés
inventés
superposition d'impression et sentir
cette vibration
sentir
cette odeur légère de l'air
réminiscences
entendre ce frottement de soie mêlé
au friselis de l'eau
et la mer qui caresse
le rocher.

A Kerfany
 Publié dans L'Empreinte des cygnes. 
Anthologie Guy Allix

dimanche 6 septembre 2009

Accueil dans l'anthologie de Guy Allix

Le poète Guy Allix me fait l'honneur de m'accueillir sur son site, dans son anthologie, par ordre alphabétique entre Jean L'Anselme et Yvon Le Men. C'est un grand plaisir, pour une simple "écriveuse", arrivée tardivement dans l'écriture. Le lien est ci-dessous :


Mireille Le Liboux site Guy Allix

Profitez-en pour explorer le site.

samedi 5 septembre 2009

Tchouang-tseu, le hibou et le Président

La côte de popularité du président a remonté d'un point en août, passant à 39%. Qu'a-t-il fait pour ce bon point? Justement, rien, il s'est contenté de disparaître de nos écrans.
Tchouang-tseu avait prévu ça 300 ans avant JC:
"La vertu du souverain ou du roi vise à se conformer au ciel et à la terre, au Tao et à la vertu. Cette vertu a pour règle le non-agir. Celui qui n'agit pas met le monde à son service et pourrait faire davantage ; celui qui agit se met au service du monde et n'y suffit pas. C'est pourquoi le non-agir était en honneur dans l'antiquité." (p.112, éd. Gallimard)
Baudelaire l'avait aussi compris dans le poème "Les hiboux":

Leur attitude au sage enseigne
Qu'il faut en ce monde qu'il craigne
Le tumulte et le mouvement,


L'homme ivre d'une ombre qui passe
Porte toujours le châtiment
D'avoir voulu changer de place.

dimanche 30 août 2009

Sur le mât du vent délabré...

"Sur le mât du vent délabré
autour duquel quelqu'un respire, indestructible
un sosie, un double, un nuage..."
La Forêt de Varmie, Kazimierz Brakoniecki.


Au fond de la forêt noire s'exhale

le parfum sombre des chimères



au revers de la nuit

s'étirent les fils fragiles

de pensées vagues et bleutées

en robes de soie



dans la cour du château

scintille faiblement la moire des mots

reflets pâles sous la lune

d'un monde qui se dérobe



solarisation du rêve

inversion en noir et blanc

ne réveillez pas l'enfant

dans sa cuirasse d'argent



un proverbe sanskrit

s'inscrit en lettres de sang

sur la paroi de la tour



au matin - brisé le cercle de verre

tas de bois tas de pierres

la vent a emporté le nuage

le sosie-frère fausse image

s'est évaporé le mage

- vieux saltimbanque - dans la forêt



reste la rosée hyaline

et dans le silence de l'aube

le bruit sourd du bourgeon qui explose.


Encres Vives, n°348
A paraître en octobre 2009 dans Spered Gouez, hors série, "Femmes en littérature"







Mireille Le Liboux

jeudi 27 août 2009

La littérature et l'estomac

La Littérature à l'estomac de Julien Gracq (1950) et La Littérature sans estomac de Pierre Jourde (2002) fustigent l'indigence d'une littérature à la mode dans les médias que Kenneth White classerait dans la "médiocratie".
Ces deux titres sont dans la métaphore. Plus prosaïque, le philosophe chinois qui vivait aux Etats-Unis, Lin Yutang rappelle avec humour que philosophes et poètes, aussi haut que plane leur esprit, ont un estomac et des dents dont ils dépendent en premier lieu :
"Tant pour les métaphysiciens raffinés qui disent que les dents appartiennent au diable, que pour les néoplatoniciens qui nient que les dents individuelles existent, j'ai toujours un grand plaisir à voir un philosophe qui souffre d'une carie, ou un poète optimiste qui souffre de dyspepsie. Pourquoi ne continue-t-il pas ses dissertations, et porte-t-il la main à sa joue, juste comme vous ou moi, ou la voisine, le ferions? Et pourquoi l'optimisme paraît-il si peu convaincant à un poète dyspeptique? Pourquoi ne chante-t-il plus? Qu'il est donc ingrat de sa part d'oublier les intestins et de chanter l'esprit quand les intestins vont bien et ne lui causent pas de soucis!" (L'importance de vivre, LIN Yutang, 1937, Picquier 2007)
Les biologistes ayant découvert des neurones dans le système digestif, on peut dire qu'on pense d'abord avec son ventre, d'où l'importance de bien nourrir le corps pour bien nourrir l'esprit.

vendredi 14 août 2009

Jim Harrison, La route du retour.

Mois de juillet pluvieux, j'aurais pu jouer les touristes dans un pays ensoleillé mais j'ai préféré lire, me promener en bottes et ciré en forêt de Brocéliande, créer ce blog, bref, il y a tant à faire ici.
Après les 3 tomes de "Millenium" (Stieg Larsson), m'attendait "La route du retour" de Jim harrison. Mon appétit fut aiguisé par des échanges avec un lecteur (eh oui, ça n'arrive pas qu'aux autres!), se disant (faussement) peu lecteur, mais ayant lu tout Harrison avec perspicacité et fraîcheur de vue, non altérée par le moule universitaire. Me voici donc au coeur de la forêt, près de la rivière Niobrara, vivant la vie sauvage à travers plusieurs générations de personnages à demi indiens. 524 pages dont on ne voudrait pas que ça s'arrête, qu'on a envie de relire dès qu'on a fini. Un long poème, dans la lignée( revendiquée) de Thoreau et Whitman. Voici un extrait, p.366:
"Je suis resté assis, immobile pendant plusieurs heures, afin de mieux absorber un paysage, ou plutôt pour me laisser absorber par le paysage. Vous ne devenez pas le paysage, c'est lui qui devient vous. Je me sentais créature terrestre au même titre que le corbeau à ailes rouges qui a atterri sur une massette, à quelques pas de moi, avant de s'envoler en croassant quand j'ai cligné des yeux. Le vrai calme m'a toujours fait l'effet d'un cadeau difficile à accepter."

Les Armorigènes

Les Armorigènes sont là. On peut en voir des représentations à Lorient, à l'exposition "Bretagne en arts". Le peuple Armorigène a été découvert par Jean-Claude Charbonel à la faveur d'errances au creux des forêts ou le long des rivages armoricains. Comme disait Rimbaud, "Le sang païen revient ...] Me voici sur la plage armoricaine.[...] Je reviendrai, avec des membres de fer, la peau sombre, l'oeil furieux..."
Ces armorigènes me font penser au talabarder, le joueur de bombarde, et à tous ses descendants, dans la nuit armoricaine où il se passe de drôles de choses...

jeudi 6 août 2009

Les étranges croix de Port-Foll en Ploemeur


A Kerroc'h
j'ai surpris l'aube d'automne encore ensommeillée dan les plis de la roche
quelques duvets blancs oubliés dans les creux subsistaient
témoins indiscrets de l'intimité de la nuit
d'une vie cachée
mystère inaccessible.

Tout près de là
le phare
encore allumé dans les lambeaux de nuit annonçait la promesse du jour
et balisait la réalité du rêve.

Dans l'anse de Port-Foll
deux ébauches de croix dans le granit
abandonnées
la pierre n'a pas voulu de cette crucifixion.

Au jour
la blancheur du quartz
dans la faille du granit
irruption d'une autre force
dans ce monde à l'agonie
la Terre n'a peut-être pas dit
son dernier mot.

(Publié par Encres Vives, 2007)

samedi 1 août 2009

Regards d'artistes sur le Mont Saint-Michel


Pour les 1300 ans du Mont Saint-Michel, il a été demandé à des peintres et des plasticiens de travailler sur leur vision du mont. Le résultat mérite le détour, beaucoup de force et de poésie se dégagent de l'ensemble. Parmi eux, le peintre de Lanester, Dominique Haab-Camon expose trois peintures évocatrices des lumières et des matières, de jour et de nuit. La "peinture III" m'a fait penser à l'Origine du monde. A côté ont été mises les oeuvres de Jacques Lacolley, de Granville, dont j'ai appris ensuite qu'il "s'exténue" sur ce thème. Le voisinage est particulièrement judicieux. Les deux tableaux évoquant la nuit dans la baie, ne donnent qu'une envie, y aller, dans le tableau ou dans la baie, comme on veut.
De la baie, j'en ai fait le tour, pour constater qu' il est bien difficile de trouver des mots pour parler de cet espace vide. D'où qu'on le voie, le Mont est là pour dessiner le vide, il attire l'oeil comme un amer, une poésie dans l'espace. Mais il vaut mieux éviter de s'en approcher, la foule et les échoppes vous ramènent à une autre réalité!
L'exposition a lieu à Granville jusqu'au 8 novembre. Dominique expose aussi en ce moment à Lorient, à la Galerie Le Faouedic, et à Larmor-Plage, à la salle des fêtes.

samedi 25 juillet 2009

Le marais ou le cycle de la vie

Le marais

Le marais toujours attire et inquiète.
On peut en faire le tour mais jamais y pénétrer.
Il nous donne à voir les reflets gris et blancs des nuages dans les aplats d'eau entre les herbes, monde flottant d'où émerge parfois l'élégance blanche d'une aigrette garzette.
De l'enchevêtrement des joncs nous parvient parfois le gloussement d'une foulque, on ne saura jamais ce qu'elle fricote dans le froissement des feuilles. On n'en saura pas plus sur l'envol caquetant d'un canard. Le marais garde ses secrets.
On peut le photographier entre les branches des peupliers mais y accéder, jamais.
Aujourd'hui les hirondelles volent au ras des roseaux et la pluie fait des ronds dans les flaques. Qui s'avancerait s'enliserait dans ce terrain mouvant de sédiments. Inaccessible aux humains, le marais est d'une autre solitude.
Ecrire le marais demande une longue patience. Impossible à circonscrire, il préfère le silence.
On devine sous l'eau dormante les matières en putréfaction, odeur fade de la mort lente dans la pâleur du palud.
Mort des mots usés jusqu'à la corde, mort des vieux sentiments délavés qui se dissolvent dans l'eau du marais.
Le marais ne pose pas de questions, il sait. De la mort naît la vie, il n'a pas de regrets.
Dans le secret de son immobilité la vie fermente en somnambule.
Du marais naît la libellule.

Marais de Kerderff, An Arvor, 2007, extrait de L'Empreinte des cygnes.

mercredi 22 juillet 2009

Le Talabarder



Le Talabarder




Les deux pieds ancrés au profond de la terre
la bombarde fièrement dirigée vers le ciel
dès qu'il pince de ses lèvres l'anche de roseau
un grand souffle parcourt feuilles et fougères.

De la bombarde du talabarder aux mille boutons

surgit un air venant du fond des siècles

quand Taliesin chantait le vent et le combat des arbres.





Il souffle dans sa bombarde

accompagné du biniaouer

et s'embrase la prairie au crépuscule

et moutonne la mer des coiffes blanches

et serpente la grande chaîne dans la nuit.



Il sonne un air de gavotte du pays pourlet

et les pieds des danseurs martèlent la terre

il sonne et la danse devient transe

le cercle se resserre autour des braises

il sonne et dansent en rond les sorcières autour du chaudron de Keridwen.



Il sonne et le grand chêne se souvient des rituels anciens

du temps où le druide transmettait le chant en douze séries

à l'enfant qui apprenait par cœur les mystères de l'univers.



Il sonne et l'air vibre accordé aux étoiles

il sonne et je danse hors de l'espace et du temps…



En mémoire d'Albaud Le Liboux, sonneur de Languidic.( † 1955)

Extrait de L'Empreinte des cygnes, éd. Chemins bleus.


mardi 21 juillet 2009

L'empreinte des cygnes

"Ce livre est plein d'éclats de pensées, d'itinéraires où l'homme retrouve sa place au sein de la nature. Ici, bat le coeur de l'être au vent. tous ces chemins transitoires, de non fixité, de transformation intérieure. C'est la présence au monde, au sens ouvert et spontané du terme, que Mireille Le Liboux tente de mettre à nu dans cet ouvrage. L'Empreinte des cygnes est un hymne à cette métamorphose, à cette quête d'harmonie avec les forces universelles. Les lignes du monde qui le traversent, chahutent l'esprit, le rendent chaque jour un peu plus aigu, plus en phase avec ce réel qui ouvre à une méditation de sable et d'eau vive." Bruno Geneste
Illustrations de Marc Bernol

Editions Chemins bleus
156 pages, 15 €
A commander à: mireille.leliboux@gmail.fr



"Malynie et Alan communiquent par écran interposé : l'auteur a utilisé ce subterfuge pour raccorder une série de textes épars à qui elle donne un sens en les replaçant dans ce qu'elle appelle un "chemin d'écriture". L'empreinte des cygnes est traversée de réflexions, de poèmes, de récits. Un vrai journal, quoi!" Jérôme Gazeau, Ouest-France.
"De la véritable poésie, avec des textes longs où alternent prose et poésie." Kload Thomas, Le Peuple Breton.
"Elle nous livre avec vitalité ses émotions, liées aux paysage de la région lorientaise qu'elle accompagne de pensées et de poèmes." Librairie Louise Titi, Larmor-Plage (56).