dimanche 30 août 2009

Sur le mât du vent délabré...

"Sur le mât du vent délabré
autour duquel quelqu'un respire, indestructible
un sosie, un double, un nuage..."
La Forêt de Varmie, Kazimierz Brakoniecki.


Au fond de la forêt noire s'exhale

le parfum sombre des chimères



au revers de la nuit

s'étirent les fils fragiles

de pensées vagues et bleutées

en robes de soie



dans la cour du château

scintille faiblement la moire des mots

reflets pâles sous la lune

d'un monde qui se dérobe



solarisation du rêve

inversion en noir et blanc

ne réveillez pas l'enfant

dans sa cuirasse d'argent



un proverbe sanskrit

s'inscrit en lettres de sang

sur la paroi de la tour



au matin - brisé le cercle de verre

tas de bois tas de pierres

la vent a emporté le nuage

le sosie-frère fausse image

s'est évaporé le mage

- vieux saltimbanque - dans la forêt



reste la rosée hyaline

et dans le silence de l'aube

le bruit sourd du bourgeon qui explose.


Encres Vives, n°348
A paraître en octobre 2009 dans Spered Gouez, hors série, "Femmes en littérature"







Mireille Le Liboux

jeudi 27 août 2009

La littérature et l'estomac

La Littérature à l'estomac de Julien Gracq (1950) et La Littérature sans estomac de Pierre Jourde (2002) fustigent l'indigence d'une littérature à la mode dans les médias que Kenneth White classerait dans la "médiocratie".
Ces deux titres sont dans la métaphore. Plus prosaïque, le philosophe chinois qui vivait aux Etats-Unis, Lin Yutang rappelle avec humour que philosophes et poètes, aussi haut que plane leur esprit, ont un estomac et des dents dont ils dépendent en premier lieu :
"Tant pour les métaphysiciens raffinés qui disent que les dents appartiennent au diable, que pour les néoplatoniciens qui nient que les dents individuelles existent, j'ai toujours un grand plaisir à voir un philosophe qui souffre d'une carie, ou un poète optimiste qui souffre de dyspepsie. Pourquoi ne continue-t-il pas ses dissertations, et porte-t-il la main à sa joue, juste comme vous ou moi, ou la voisine, le ferions? Et pourquoi l'optimisme paraît-il si peu convaincant à un poète dyspeptique? Pourquoi ne chante-t-il plus? Qu'il est donc ingrat de sa part d'oublier les intestins et de chanter l'esprit quand les intestins vont bien et ne lui causent pas de soucis!" (L'importance de vivre, LIN Yutang, 1937, Picquier 2007)
Les biologistes ayant découvert des neurones dans le système digestif, on peut dire qu'on pense d'abord avec son ventre, d'où l'importance de bien nourrir le corps pour bien nourrir l'esprit.

vendredi 14 août 2009

Jim Harrison, La route du retour.

Mois de juillet pluvieux, j'aurais pu jouer les touristes dans un pays ensoleillé mais j'ai préféré lire, me promener en bottes et ciré en forêt de Brocéliande, créer ce blog, bref, il y a tant à faire ici.
Après les 3 tomes de "Millenium" (Stieg Larsson), m'attendait "La route du retour" de Jim harrison. Mon appétit fut aiguisé par des échanges avec un lecteur (eh oui, ça n'arrive pas qu'aux autres!), se disant (faussement) peu lecteur, mais ayant lu tout Harrison avec perspicacité et fraîcheur de vue, non altérée par le moule universitaire. Me voici donc au coeur de la forêt, près de la rivière Niobrara, vivant la vie sauvage à travers plusieurs générations de personnages à demi indiens. 524 pages dont on ne voudrait pas que ça s'arrête, qu'on a envie de relire dès qu'on a fini. Un long poème, dans la lignée( revendiquée) de Thoreau et Whitman. Voici un extrait, p.366:
"Je suis resté assis, immobile pendant plusieurs heures, afin de mieux absorber un paysage, ou plutôt pour me laisser absorber par le paysage. Vous ne devenez pas le paysage, c'est lui qui devient vous. Je me sentais créature terrestre au même titre que le corbeau à ailes rouges qui a atterri sur une massette, à quelques pas de moi, avant de s'envoler en croassant quand j'ai cligné des yeux. Le vrai calme m'a toujours fait l'effet d'un cadeau difficile à accepter."

Les Armorigènes

Les Armorigènes sont là. On peut en voir des représentations à Lorient, à l'exposition "Bretagne en arts". Le peuple Armorigène a été découvert par Jean-Claude Charbonel à la faveur d'errances au creux des forêts ou le long des rivages armoricains. Comme disait Rimbaud, "Le sang païen revient ...] Me voici sur la plage armoricaine.[...] Je reviendrai, avec des membres de fer, la peau sombre, l'oeil furieux..."
Ces armorigènes me font penser au talabarder, le joueur de bombarde, et à tous ses descendants, dans la nuit armoricaine où il se passe de drôles de choses...

jeudi 6 août 2009

Les étranges croix de Port-Foll en Ploemeur


A Kerroc'h
j'ai surpris l'aube d'automne encore ensommeillée dan les plis de la roche
quelques duvets blancs oubliés dans les creux subsistaient
témoins indiscrets de l'intimité de la nuit
d'une vie cachée
mystère inaccessible.

Tout près de là
le phare
encore allumé dans les lambeaux de nuit annonçait la promesse du jour
et balisait la réalité du rêve.

Dans l'anse de Port-Foll
deux ébauches de croix dans le granit
abandonnées
la pierre n'a pas voulu de cette crucifixion.

Au jour
la blancheur du quartz
dans la faille du granit
irruption d'une autre force
dans ce monde à l'agonie
la Terre n'a peut-être pas dit
son dernier mot.

(Publié par Encres Vives, 2007)

samedi 1 août 2009

Regards d'artistes sur le Mont Saint-Michel


Pour les 1300 ans du Mont Saint-Michel, il a été demandé à des peintres et des plasticiens de travailler sur leur vision du mont. Le résultat mérite le détour, beaucoup de force et de poésie se dégagent de l'ensemble. Parmi eux, le peintre de Lanester, Dominique Haab-Camon expose trois peintures évocatrices des lumières et des matières, de jour et de nuit. La "peinture III" m'a fait penser à l'Origine du monde. A côté ont été mises les oeuvres de Jacques Lacolley, de Granville, dont j'ai appris ensuite qu'il "s'exténue" sur ce thème. Le voisinage est particulièrement judicieux. Les deux tableaux évoquant la nuit dans la baie, ne donnent qu'une envie, y aller, dans le tableau ou dans la baie, comme on veut.
De la baie, j'en ai fait le tour, pour constater qu' il est bien difficile de trouver des mots pour parler de cet espace vide. D'où qu'on le voie, le Mont est là pour dessiner le vide, il attire l'oeil comme un amer, une poésie dans l'espace. Mais il vaut mieux éviter de s'en approcher, la foule et les échoppes vous ramènent à une autre réalité!
L'exposition a lieu à Granville jusqu'au 8 novembre. Dominique expose aussi en ce moment à Lorient, à la Galerie Le Faouedic, et à Larmor-Plage, à la salle des fêtes.