mercredi 28 juillet 2010

Grand nord, grand sud, à l'Abbaye de Daoulas

Artistes Inuit et Aborigènes, à voir jusqu'au 28 novembre 2010.
Un moyen pour saisir la différence entre l'art ancré à la terre ( ce qui n'empêche pas de lever l'ancre comme l'a dit Melaine Favennec) et l'artificiel hors sol. Et qu'on arrête de nous bassiner avec les racines qui nous feraient tournés vers le passé!
Quelques phrases relevées au cours de la visite:
"Dans les cultures aborigènes traditionnelles, le territoire est considéré comme matérialisation d'une géographie mythique créée par les ancêtres." Ces mythes" jouent un rôle central dans la lecture d'un paysage".
"Selon la conception aborigène, la relation existentielle qui unit le peintre à sa terre donne à ces paysages le statut d'autoportrait" (sur Rammey Rammsey, né en 1935, Australie.)
J'ai été subjuguée par le hibou-chamane et j'ai sympathisé avec les esprits mimi (allez savoir pourquoi...), j'ai aimé l'oie sauvage qui là-bas indique le printemps (ici, c'est l'hiver qu'elle annonce) et par le grand corbeau.
Le lien de l'expo: http://www.cheminsdupatrimoineenfinistere.com/daoulas-lesactualitesexpositionencours.html


mercredi 21 juillet 2010

Iles


Extrait de mon parcours géopoétique, L'empreinte des cygnes.  
Je serai au Festival interceltique de Lorient les 10 et 14 août. 


Groix
  A Larmor, j'ai toujours l'île de Groix dans ma ligne d'horizon. Depuis la plage, apercevoir les Sables blancs est une invite à une escale sur l'autre rive. La nuit, l'éclat du phare de Pen Men ravive le rêve.
  31 octobre, embarquement sur le Saint-Tudy. Même pour un trajet si court, le bateau vous fait croire à l'aventure. Il suffit de regarder les passagers, appareils photos en action. Quant aux enfants, accrochés au bastingage, ils prennent leur envol.
Il fait un peu frais, on reste sur le pont, mais on ferme sa veste de quart rouge, on remonte sa capuche discrètement. Les amoureux se tiennent la main, on largue les amarres.
  Port Saint-Tudy.
Il faut monter au bourg, que personne ne nomme Loctudy en dehors du panneau indicateur. Un ancien café indique toujours sur sa façade : « Au repos de la montée », c'est dire l'effort à fournir, surtout si on fait une halte à mi-côte chez Ti Beudeff. J'arrive à La Grek, maison d'hôte.
La Grek, emblème de l'île, est cette grande cafetière qui autrefois, avant le Coca-Cola, et même le Breizh-Cola, vous gardait au coin de la cuisinière son café au chaud, pour ne jamais faillir à l'hospitalité du café-pain-beurre.
  Saint-Tudy, un thon sur le rond-point du port indique la direction, un thon sur le clocher de l'église indique d'où souffle le vent. Au bourg, le style des maçons italiens a imprimé sa marque sur les façades.
Pour manger, on peut choisir entre Vins et marées et Les Alizés.

 
Groix.
La pointe des Chats.
Kerampoulo
Locmaria
sables rouges
sables blancs
micaschistes à grenats.

 
Des plis de la roche
mise à nu par la vague
affleure la vérité
sous la peau de la pierre.

 
Grenats
ventricules ouverts
fleurs de sang
offertes au passant.

 
La pierre indifférente
à cette incandescence
statue de Bouddha.

 
Sur les rochers de Locmaria gisent les restes d'un cargo démantelé, découvert à marée basse. Les restes de ses membrures décharnées, éparpillés sur le plateau rocheux, évoquent le squelette de quelque animal monstrueux. Seul le vestige de la cabine de pilotage témoigne d'un passé qui fut humain. Peu à peu le métal travaillé par les hommes se dissout et se fond à la roche. L'usure du temps et des éléments le ramène à son état originel de minerai, le rend à la Terre. Algues et anatifes l'ont colonisé depuis longtemps, anticipant ainsi son retour aux origines.
Ainsi que le dit le peintre japonais Yasse Tabuchi :
  Avancer, c'est sans cesse retourner à ses propres origines*.
  A Locqueltas, le trou de l'Enfer, falaise verticale, vertige du vide. Pas envie d'y perdre son âme, même pour quelques pouces-pieds.
Rêves d'errance, dans la lande à bruyère vagabonde (erica vagans) qui ne pousse, en Bretagne, qu'à Groix et à Belle-Ile.
  Crehal, Quéhello, l'anse de Saint-Nicolas.
Kerlard, Kervédan, un menhir dans la lande.
Le camp des Gaulois.
  Le Trou du Tonnerre et le grand phare, Pen Men.
Tout près, dans la réserve naturelle, les cormorans se croient tout permis.
Sur la côte nord, depuis la pointe du Grognon, je cherche sur la rive d'en face, le clocher de Larmor.
Quelhuit, d'où Yann-Ber Calloc'h nous parle encore de Bretagne et de guerre.
« Me 'zo ganet e kreizh er mor
E bro Arvor. »
(Je suis né au milieu de la mer / Au pays d'Armor).

jeudi 1 juillet 2010

Autobiographie dans "Interventions à Haute Voix" n°46



Autobiographie en noir et blanc
à la manière de l'OULIPO

 

  Je naquis au Havre un vingt et un février
en mille neuf cent et trois.
Ma mère était mercière et mon père mercier :
ils trépignaient de joie. 
Raymond Queneau. Chêne et chien.


 

 

 
Je naquis en Indre-et-Loire un vingt-huit juin

en mille neuf cent cinquante-et-un.

Mon père était marin d'état

ma mère très tôt de cet état

déclara : femme de marin

ne serais pas

et retourna chez son papa.


 

Mes deux géniteurs s'éloignèrent

portés par des courants contraires

puis très vite se firent la guerre.


 

Pourtant deux filles cohabitèrent

dans le ventre de la mère

qui de toutes façons

voulait un garçon.

D'un ventre si peu accueillant

nous fûmes expulsées prématurément.

P'tite sœur tira sa révérence

et reste à jamais innommée

sans tombe ni identité.

Moi, allez savoir pourquoi

j'me suis accrochée sur terre

seule dans une cage de verre.

Si mes parents trépignèrent de joie

franchement je ne m'en souviens pas

ce que je sais c'est qu' ma mère

se désintéressa de mon cas

et ne me nourrit pas

même à la p'tite cuiller

c'est ma tante qui s'en chargea.


 

Mon père voyagea trois-cent trente jours par an

apparaissant de temps en temps

voyageur étranger de passage

avec son léger bagage.

Il fit un peu semblant d'être père

puis finit par oublier

qu'étaient nés des enfants

pour aller vers des lits plus charmants.

Ma grand-mère c'était encore pire

sorte de triste vampire

elle nous terrorisait par son ire.

Mon grand-père

fut chaleureux un temps

jusqu'à l'âge de mes sept ans

époque où arriva le frère

et ce fut comme un bannissement.


 

Je vécus là des journées solitaires

jusqu'au début de l'école primaire

sans aucun ami ni repères

je ne parlais qu'aux nuages et aux pierres.


 

Des humains je ne savais rien

j'ai dû faire un long chemin

pour apprendre quoi ?

Presque rien.


 

Une vie à chercher son chemin

à vouloir faire machine arrière

à croire parfois en la lumière.


 

Jour après nuit

nuit après jour

maille à l'endroit

maille à l'envers

je suis toujours là sur terre

à me d'mander des fois pourquoi

mais septembre rayonne de lumière

un homme nu nage dans l'anse solitaire

dans la chaleur crépusculaire

finalement la vie c'est comme ça

malgré la peine et la misère

des fois

c'est pas si mal que ça.

Le Pouldu, septembre 2009

  Mireille Le Liboux