vendredi 27 août 2010

Le nouveau recueil de Christine De Luca et deux visions indiennes.


Quelle joie de trouver le nouveau recueil de Christine De Luca dans ma boîte à lettres ce matin! Thank you so much, Christine!


North end of Eden, un titre qui déjà nous emmène vers un monde hyperboréen.
Armée de mon meilleur dictionnaire, je vais essayer de lire, du moins l'anglais. Pour le shetlandic, ça va être plus compliqué. J'ai retrouvé avec plaisir les poèmes sur la danse bretonne à Ouessant, traduits dans Mondes parallèles. 
Et mon oeil s'est arrêté sur l'Inde," première rencontre avec l'Inde". J'aime beaucoup comparer les impressions de voyage. Je recopie le texte, le mien sera en-dessous. Je ne comprends pas tout, mais j'aime les mots et les images "beyond the need of words".

Meeting India for the first time.
Closest I ever got to you was watching
a lissom Indian dancer. After the drama
of the Scots girls with their kilted kicking,
then clicking Irish feet and stair-rod arms,
her body flowed delight, without a sound.
As she turned, it seemed she conjured birds
mysterious from trees; a story grounded,
pre-verbal, beyond the need of words.

She hid from view the endless repetition,
the strain of learning every tiny movement.
It seemed a gift she opened for our pleasure
an invitation. there was no partition
of spirit or of mind from body. Barefoot,
she danced us back into a youthful future.

Maintenant mon texte ramené d'Inde du sud, une sorte de "Mahamudra", pour penser à Kenneth White, ou d'"Union libre", pour penser à André Breton. Attention, je ne me compare pas plus à l'un qu'à l'autre! Il s'agit de sources d'inspiration peut-être ou de résonances, puisque je n'ai pensé consciemment à ces références qu'après avoir écrit le texte.



La danse de Shakti et Shiva

 

 

Tes cheveux, tes cheveux

tes cheveux dans la nuit

tes cheveux de lune


 

tes yeux, tes yeux

tes yeux d'ancolie

tristes et doux

tes yeux de perle noire


 

ta bouche, ta bouche

ta bouche de gingembre

où se mêlent nos langues

en un sabir nouveau

langue exquise et mystérieuse

par nous seuls inventée


 

tes mains, tes mains

tes mains douces sur ma peau

tes mains de coriandre

par tes mains me pénètre

the poem of India


 

tes bras, tes bras

berceau sur l'océan

tes bras de palissandre

dans tes aisselles je me love

tes aisselles de nid d'hirondelle

porte ouverte

vers des univers

parallèles


 

tes jambes, tes jambes

tes jambes de santal

piliers de ce sanctuaire

où repose mon cœur


 

ta peau, ta peau

ta peau de cannelle

sur l'océan de ta peau je nage

dans les eaux rouges du Bengale


 

ton sexe, ton sexe

ton sexe d'ambre

de ton sexe tu m'enfantes

dans les tourbillons moites

d'un ventilateur fou

la vie monte en spirale

à la même seconde

je meurs et je renais


 

tes yeux, tes yeux

dans tes yeux j'ai cru voir

dans cet instant unique

la danse de Shakti et Shiva

sur la roue du Dharma.


 

Rêvé à Thanjavour, le vendredi 19 février 2010

Ce texte a été publié suite à un concours par les Editions du bord du Lot dans l'anthologie Entre vers et rose, puis en 2011 dans Au pays où les chats font du yoga, Mireille Le Liboux, An Arvor éditions.

jeudi 26 août 2010

Ouessant


Partir, c'est se départir de soi, laisser un peu de ses identités, faire le vide au centre, déverrouiller les yeux et le cœur, accueillir la lumière qui passe, les sourires fugaces.

Partir pour une île, c'est sentir le souffle du vent.

Aventure.

Ouverture.

Dans le cercle de l'île, unité première, tu voyages, le visage au vent.

Attentif à la surprise, tu brises les frontières, dans le monde clos de l'île.

Dans Utopia, tu cherches le visage du voyage.


 

A Ouessant, impossible d'échapper au vent.

De l'occident à l'orient, Kornog¹ ouvre le monde à tous les vents.

L'île flotte à ras d'écume.

Force brute des éléments.

Mémoire du volcan.

Des pointes de roche déchirent le ciel, chaos de schiste et de granit.

Cinq phares érigés en sentinelles pointent du doigt la cruauté.

Errance des naufragés.

La nuit, Creac'h découpe la lumière en noir et blanc, entre ses lames, les écueils en stroboscopie .

Rouge, le sang. Navigue dans le blanc.

Autour de l'île s'entrechoquent les grands courants. Fromveur , Fromrust
². Dans les maëlstroms s'abolissent les illusions.

Marée haute, marée basse, grande lessive.

Tu erres dans l'île, dépouillé de toute identité.

Enez Eusa , terre à part, arche amarrée au bord du monde pour le jour du grand départ, quand aura disparu la mémoire de l'humain.

Uxisama³, chaudron où tourbillonne en borborygmes le magma rouge du renouveau.

D'ouest en est, du nord au sud, le visage de la déesse, et la courbe de l'horizon au fond des yeux.


 


 

1. Kornog : vent d'ouest en Breton.

2. Fromveur, courant violent au sud, traduit par « grand torrent ». Fromrust, courant au nord, rust veut dire « rude ».

3. Enez Eusa : Ouessant en Breton, vient du Gaulois Uxisama, « l'île la plus haute ».


 

© Mireille Le Liboux