dimanche 7 octobre 2012

Pourquoi les poètes sont indispensables selon Guillevic

Extrait de Vivre en poésie ou l'épopée du réel, Guillevic, Le Temps des cerises, 2007. Les propos de Guillevic datent de 1978.

Une remarque qui a son importance : puisque le poète est l'homme qui vit la langue "de la tribu" et que sa fonction essentielle est de lui garder, de lui donner force, de la renouveler constamment (grâce au lien organique qu'il a avec tous ceux qui parlent cette langue), puisque le poète est nécessairement "un révolutionnaire professionnel" de la langue, il sera toujours un contestataire du pouvoir établi, car, conservateurs de la langue, eux, les hommes du pouvoir usent d'une langue fixée, dépassée. Ce n'est pas par hasard si Richelieu a créé l'Académie française ; il l'a fait pour consolider, renforcer le pouvoir royal en tentant d'enrayer l'évolution de la langue française. Le pouvoir absolu exige un idiome au beau fixe.
Et dire que l'on s'interroge sur le rôle des poètes dans notre société ! Et que l'on prétend que la société industrielle n'a plus besoin de poètes. La langue française de la société industrielle d'aujourd'hui s'appauvrit, c'est vrai, une nouvelle greffe est nécessaire, c'est vrai.
Si le pays continue à ne pas entendre ses poètes, à quoi notre langue en sera-t-elle réduite dans quelques décennies ? A ce bla-bla délavé des médias ?
La démocratie est l'aiguillon du langage ; Le langage, l'aiguillon de la démocratie (p. 202)

Est-ce pour cela que le Printemps des poètes perd 40 % de son budget, soit 60 000 € ?