jeudi 24 décembre 2009

Je rêve à une chose, disait le maître

J'y pensais l'année dernière, sur la plage du Fort-Bloqué, Keragan de son vrai nom. C'est le destin, disent les uns, pas de hasard, disent les autres, hasard objectif, cherchait André Breton...


"Le Maître – Je rêve à une chose, c'est si ton bienfaiteur eût été cocu parce qu'il était écrit là-haut, ou si cela était écrit là-haut parce que tu ferais cocu ton bienfaiteur ?

Jacques – Tous les deux étaient écrits l'un à côté de l'autre. Tout a été écrit à la fois. C'est comme un grand rouleau qu'on déploie petit à petit. »

Vous concevez, lecteur, jusqu'où je pourrais pousser cette conversation sur un sujet dont on a tant parlé, tant écrit depuis deux mille ans, sans en être d'un pas de plus avancé. Si vous me savez peu de gré de ce que je vous dis, sachez-m'en beaucoup de ce que je ne vous dis pas.

Jacques le Fataliste
. Diderot.



A Keragan

matin d'hiver

la marée de la nuit a effacé les traces

sculpté le sable

en ondulations aléatoires.



Autour de l'île

elle suit les stries

marche entre les lignes

de ce yi-king

y cherche en vain

le dessin de son destin

voudrait déchiffrer

les trigrammes

les pictogrammes

laissés par les algues

comme un dictame

à Keragan.



Elle interroge les nuages

voudrait savoir où est son île

demande au cormoran :

il reste indifférent



Un jeune cadavre de crabe

gît sur l'estran

dans son linceul de laminaires :

quel coup de dé a aboli le hasard

cette nuit à Keragan ?..



Mais déjà s'efface

l'écriture ogham

sur la plage blanche

à Keragan.



Elle interroge l'oiseau

le goéland bavard :

connaît-il le chemin solitaire

de l'étranger qui passe peut-être le soir

à Keragan ?…



L'oiseau s'envole et ricane.



Il est midi

un jour d'hiver ordinaire

à Keragan…




Un 24 décembre, Le Fort-Bloqué ou Keragan
publié par Encres vives








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