Sur
la photographie. Sunsan Sontag
Citations. Les n°s de page sont ceux de l’édition du
Seuil 10/18, 1983. La 1ère édition aux USA est de 1973.
P.37. Au bout du compte,
l’image photographique nous lance un défi : « Voici la surface. À
vous d’appliquer votre réflexion, ou plutôt votre sensibilité, votre intuition,
à trouver ce qu’il y a au-delà, ce qui doit être la réalité, si c’est à cela
qu’elle ressemble. » Les photographies, qui ne peuvent rien expliquer par
elles-mêmes, sont d’inépuisables incitations à déduire, à spéculer et à
fantasmer.
P.38. Mallarmé, le plus
cohérent des esthètes du XIXème siècle, déclarait que tout dans l’univers
existe pour aboutir à un livre. Aujourd’hui, tout existe pour aboutir à une
photographie.
P.76. Le photographe est
une version armée du promeneur solitaire qui explore, arpente et patrouille les
cercles de l’enfer des villes, du voyeur en vadrouille qui découvre dans la
ville un paysage aux contrastes voluptueux.
P.121. La recherche
poétique du concret, son affirmation de l’autonomie du langage du poème font
écho à la recherche photographique du pur regard. Toutes deux impliquent
discontinuité, désarticulation des formes et unité compensatoire :
arracher les choses à leur contexte (pour les voir sous un jour neuf), les
rapprocher de façon elliptique en fonction des exigences impérieuses mais
souvent arbitraires de la subjectivité.
P.150. D’ordinaire, les
photographes se croient obligés de protester de l’innocence de la photographie,
en soutenant qu’une attitude prédatrice est incompatible avec la réalisation
d’une bonne photo, et en manifestant l’espoir qu’un vocabulaire plus positif
fera comprendre leur position. Un des exemples les plus mémorables de ce genre
de verbiage est la description qu’Ansel Adams donne de l’appareil photo comme
« instrument d’amour et de révélation » ; il nous presse
également de cesser de dire que nous « prenons » une photo pour dire
que nous la « faisons ».
P.205. Deux attitudes
sous-tendent cette hypothèse selon laquelle il n’est rien dans le monde qui ne
soit matière première pour un appareil photo. L’une est de considérer que tout devient
beau, ou du moins intéressant, si l’on y applique un regard suffisamment
exercé. (Et cette esthétisation de la réalité qui met tout et n’importe quoi à
la disposition de l’appareil photo est également ce qui permet la récupération
de n’importe quelle photo, même la plus radicalement utilitaire, sous la
catégorie de l’art.)
P.208. Restreindre la
liberté de choix politique à la liberté de consommation économique exige que
l’on produise et que l’on consomme des quantités illimitées d’images.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire