dimanche 14 mars 2010

La porteuse de livres


Je n'ai pas connu René Rougerie mais le hasard a fait que je me suis retrouvée porteuse de son dernier livre, Xavier Grall, Œuvre poétique, à la soirée où il devait le présenter. C'était à Querrien, dans le Finistère, où Yvon Le Men rendait hommage à Xavier Grall, « l'homme qui habitait son nom », dans le cadre du Festival de la Parole Poétique. Mercredi 10 mars le directeur du festival, Bruno Geneste, m'a avertie que l'éditeur était hospitalisé, et m'a demandé, vu que j'habite près de Lorient, si je pouvais prendre les livres à la librairie de Lorient, L'Imaginaire, où ils les avaient déposés et où il avait eu un malaise. Malgré un petit souci de santé, rien de grave, juste ce qui vous met le cerveau en capilotade et vous donne juste envie de rester sous la couette plutôt que de parcourir les routes de campagne du Finistère, la nuit, je ne pouvais refuser ce service, en tant qu'invitée et bénévole du festival.

Me voilà donc en quête des livres jeudi matin, après mes cours au lycée. Là, on m'apprend qu'il n'y en a qu'une partie, ceux pour Yvon sont chez G., poète éditée depuis toujours chez Rougerie, et larmorienne comme moi. Toute la journée, je cherche à la contacter, nos mails et messages téléphoniques s'entrecroisent sans succès, quand l'une est là, l'autre est absente. La fatigue aidant, je renonce, quand finalement, nous arrivons à nous joindre : elle me propose de venir me porter les livres chez moi, finalement je passerai les prendre chez elle en partant à Querrien.

Il faisait un vent froid de Sibérie à vous faire mourir sur place rue de la Marine, les oies bernaches qui hibernent dans l'anse de Kernevel s'en souviennent encore. Je trouvai là Olivier Rougerie, que je ne connaissais pas non plus, qui me proposa de prendre aussi des cartons de livres pour Madame Grall. C'est ainsi que les cartons passèrent de la fourgonnette aux 500 000 kms, dont j'ai appris depuis qu'elle était mythique, au coffre de mon véhicule et que j'arrivai, demi-malade mais triomphante à Querrien, où chacun put récupérer son lot de livres.

Selon les informations, l'état de santé de René Rougerie semblait satisfaisant, c'est pourquoi Yvon Le Men parla avec légèreté de son malaise à la librairie L'Imaginaire, tout un symbole, et nous offrit une belle soirée en faisant revivre avec émotion et sensibilité Xavier Grall, soirée que j'aurais manquée sans cet enchaînement de circonstances. Quelques heures plus tard, dans la nuit, René Rougerie partait au royaume de l'éternelle jeunesse, l'esprit tranquille, sûr d'avoir fait sa part sur terre.

Ce n'est que le samedi 13 que j'ai appris par le journal qu'il avait tiré sa révérence.

Je ne l'aurai pas connu, mais j'aurai fait ma modeste part, porteuse de son dernier livre, porteuse de ce fil invisible mais ininterrompu entre Xavier Grall, René Rougerie, Yvon Le Men, Bruno Geneste…

Le 14 mars 2010, Mireille Le Liboux

1 commentaire:

  1. Nous avons beaucoup aimé l'aventure
    de "La Porteuse de livres".
    Nous ne connaissions pas René Rougerie,mais nous avons été très
    sensibles aux témoignages élogieux
    et pathétiques après son décès.
    Germain

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