J’aime bien que les livres
viennent à ma rencontre. Profitant de la chaleur inespérée de cet été breton,
je déambule entre les rayons de la médiathèque de Larmor et me laisse guider
par le hasard. Le nom de Pondichéry dans le titre attire mon regard, forcément,
et le nom de l’auteur ne m’est pas inconnu : Hubert Huertas. Je sais que
je l’ai déjà entendu à la radio à l’heure du petit-déj., pour des chroniques spicy,
des trucs qui réveillent.*
Pondi, j’y suis allée trois fois,
la première parce que mon fils s’y est marié, au consulat, avec une Parisienne
tamoule d’origine pondichérienne ;
la troisième cet hiver 2013, j’y ai séjourné dix jours avant d’aller au Kerala. J’ai arpenté la ville à pied dans tous les sens, du sud au nord et d’est en ouest, de la cathédrale à la mosquée, de l’ashram Aurobindo au temple de Ganesh, surtout le vendredi soir quand l’éléphante Lakshmi donne sa bénédiction.
la troisième cet hiver 2013, j’y ai séjourné dix jours avant d’aller au Kerala. J’ai arpenté la ville à pied dans tous les sens, du sud au nord et d’est en ouest, de la cathédrale à la mosquée, de l’ashram Aurobindo au temple de Ganesh, surtout le vendredi soir quand l’éléphante Lakshmi donne sa bénédiction.
C’est dire si je connaissais le
décor du roman qui met en scène des personnages avant et après la transmission
de Pondichéry à l’Inde, des années cinquante aux années soixante. Les lieux
sont décrits avec une exactitude telle que je me suis revue marchant le long du
front de mer ou m’asseyant au frais près de la tombe fleurie de l’ashram avant
d’aller dire bonjour à Ganesh, le dieu des poètes. J’étais là-bas en lisant ce
roman dans la chaleur de l’été, avec Nanda l’intouchable, qui attend dans son
cyclopousse au pied de la statue de Ghandi,
qui transporte les malades à
l’hôpital, les deux médecins, le Français et le Tamoul, leur femme et leurs
enfants et qui devient le fil conducteur entre les personnages. Nanda qui
apprend à lire et à écrire, qui pense pouvoir sortir de sa caste entre la
France prônant l’égalité, du moins le croit-il, et l’Inde moderne qui se
voulait progressiste, en théorie. Nanda le témoin et l’acteur d’amours croisées
et interdites, entre « blancs » et « noirs », entre riches
et pauvres.
Le roman est construit comme un
thriller qu’on ne lâche pas mais surtout à travers les destins des personnages,
on découvre comment les habitants de Pondichéry ont dû choisir
« l’Option » comme on joue sa vie aux dés, la France ou l’Inde,
« un séisme humain » comme le dit l’auteur. J’ai enfin compris
pourquoi la mère de ma belle-fille, qui vit en Inde une bonne partie de l’année
(après avoir passé trente ans à Paris, son mari ayant travaillé à la SNCF), n’a
pas la double nationalité : cette option-là n’a pas été offerte. Elle est
donc française avec visa indien permanent. Ce que je sais aussi pour avoir lu
un reportage dans Le Monde, c’est que les Français tamouls restés à
Pondichéry, sont complètement abandonnés de la France, et finissent tristement
leur vie dans la misère.
Le plaisir que j’ai pris à lire
ce roman d’Hubert Huertas, c’est aussi le style, une écriture comme j’aime,
nerveuse, qui ne mâche pas ses mots, c’est aussi une plongée dans le
monde des années soixante avec l’apparition des Beatles, par exemple, souvenirs,
souvenirs…
Extrait : (1960)
Pondichéry, le monde s’en
foutait pas mal. C’était trop minuscule. La France était happée par la guerre
d’Algérie, devenue l’emblème de la révolte universelle. Cette guerre avait
commencé le 1er novembre 1954, le jour où les derniers comptoirs
avaient été rendus. Elle finirait avec l’Option, ouverture des dossiers le 26
août 1962, fermeture le 15 février 1963. Personne ne se souciait de cet
anachronisme, ni à Paris, ni à Delhi, ni à l’ONU. Les crispations locales ne
pesaient rien face aux convulsions d’Alger, le putsch, le quarteron de généraux
félons, le général de Gaulle, Jean-Paul Sartre, Albert Camus, Yves Montand,
Simone Signoret, Paris, Moscou, les pays émergents…
Terminus Pondichéry.
Hubert Huertas. Presses de la cité, production Jeannine Balland, 2006.
* Sur France-Culture et France Musique vers 8h05
Tombé sur ce livre par hasard, et tout de suite capté par tout: les personnages, le décor géographique, le décor historique, la quête des personnages et des nations, les sentiments clairs et les diffus, le suspens qui ne vous met pas dans l'attente précipitée mais dans la réflexion, et aussi chaque scène, chaque évènement, chaque choix fait par les personnages qui interpelle instantanément votre propre vécu, vos propres convictions et vous présente un miroir. Histoire vécue ou un peu romancée, peu importe. Mais quel magnifique film pourrait être fait de ce roman où les non-dits sont la révélation d'une grande impuissance. Si un metteur en scène pouvait se l'approprier et entrer au coeur des sentiments, ce serait génial.
RépondreSupprimerMerci de votre commentaire. Oui, bien sûr, un film mais rien ne remplacera la qualité de l'écriture.
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