jeudi 29 mars 2012

Deomp de'i !


Dix-huit langues reconnues officiellement en Inde. Et en France ?

Ce samedi 31 mars 2012, des manifestations auront lieu dans les régions françaises pour la reconnaissance des langues régionales, à Quimper / Kemper pour la Bretagne historique et économique, celle à cinq départements.
Depuis la création du « royaume de France », les pouvoirs politiques quels qu’ils soient, sont inexplicablement crispés sur cette question, l’éradication de toute langue autre que le français de l’Ile de France étant l’obsession, voire l’exception française.
Cela a démarré avec François premier et l’arrêté de Villers-Cotterêts en 1539, pour officialiser l’utilisation du français dans la vie juridique et administrative, au détriment du latin devenu obsolète, certes, mais écartant de facto toutes les autres langues de France. Cela a continué lors de la Révolution Française où certains, comme l’Abbé Grégoire, pouvaient en même temps lutter contre l’esclavage des noirs et pour l’éradication brutale des multiples langues de France. Avec l’épisode de la Terreur, le sang abreuvant nos sillons sanglants a fait taire les langues rebelles.
Aujourd’hui, en 2012, on pourrait penser que l’existence de la France n’a plus besoin d’être prouvée par l’attachement à une seule langue et que la « mère patrie » est assez confiante en elle-même pour accueillir en son sein généreux (^^) les parlers multiples qui fleurissent sur son sol, y compris ultramarin.
Pourtant, certains ont toujours la peur au ventre, une peur viscérale, impulsive, incontrôlée, fantasmatique. Passe encore que notre président actuel, issu de l’immigration puisque d’origine hongroise, soit reconnaissant à la France de l’avoir nourri de son lait maternel et de ce fait, refuse l’existence d’une autre langue que celle transmise par ce « sein généreux » (bis ^^)…
Mais qu’un homme de gauche, comme un certain Jean-Luc Mélanchon, en soit encore à refuser la ratification par la France de la Charte des langues régionales ou minoritaires du conseil de l’Europe, cela dépasse l’entendement. Son argument : il n’existe pas en France de minorités ! Autrement dit, sa définition de la démocratie, c’est : « je ne veux voir qu’une seule tête, et je coupe celles qui dépassent ! » Et l’argument de l’obstacle constitutionnel ne vaut guère mieux : la constitution a été modifiée il n’y a pas si longtemps (à l’unanimité des députés présents si ma mémoire est bonne…) dans le but de rendre cette ratification impossible. On tourne en rond !

Du côté des linguistes, heureusement, la nécessité de la diversité est le plus souvent reconnue.
Certains vont assez loin dans l’engagement, comme Gilbert Dalgalian , ci-dessous* :



L'émergence d'Homo Sapiens est inséparable de sa propre diversification dans tous les domaines : croyances, mythes, techniques de vie et de survie, langues, cultures, outils, armes.

Depuis les origines l'humain a dû s'adapter à un environnement changeant et souvent menaçant. Ce qui lui a valu des évolutions différentes selon les lieux, les époques et en fonction des périls toujours nouveaux.

Les migrations et les métissages ont encore renforcé cette diversification et ont partout produit des humains plurilingues et pluriculturels. C'est aujourd'hui seulement – à l'ère de la mondialisation des sciences, des techniques et de l'économie financiarisée – que cette diversité, synonyme de richesse, est menacée par un nivellement et une uniformisation.

L'anglais joue dans ce processus de nivellement un rôle clé, mais les autres grandes langues y contribuent aussi lorsqu'elles ne protègent pas, voire contrarient, les langues minoritaires partout. Le combat pour les langues est indivisible, mais ce fait n'est hélas pas perçu par les politiques, les médias, les universités, les leaders d'opinion.

Cette dérive et ce délire d'uniformisation sont d'autant plus dangereux pour l'avenir de l'espèce que nos langues sont nos vies : elles sont inscrites dans les replis de nos circonvolutions cérébrales. Et quand nous sommes bi-ou plurilingues, cette richesse neuronale fait de nous des ponts entre les cultures.

Ne pas transmettre cette richesse à nos enfants et petits-enfants est un crime contre le patrimoine d'Homo Sapiens Sapiens.

(*)Professeur, docteur en linguistique et psycholinguiste Gilbert Dalgalian est constamment sollicité pour des conférences-débats de la part des associations de parents d'élèves et d'institutions culturelles régionales ou étrangères. Dans ces conférences il présente en termes accessibles au grand public les données récentes de la psycholinguistique et des neurosciences en matière d'apprentissage, notamment des langues.

C'est là aussi une occasion pour lui de souligner l'importance d'une éducation assise sur l'environnement local ou familial, ainsi que de sauvegarder la diversité linguistique en France et dans le monde. La diversité linguistique ou Glossodiversité est un prolongement chez l'humain de la biodiversité dans le règne du vivant.



Du côté des membres de l’Académie Française, les prises de position de Danièle Sallenave, intronisée aujourd’hui, contre la reconnaissance des langues minoritaires ne sont pas surprenantes. Celles de François Cheng, grand poète à la double culture, sont beaucoup  plus surprenantes et décevantes. Là aussi, cela doit tenir à la « reconnaissance du ventre ».

Et l’Inde, alors ?
Certes, la situation n’est pas comparable, mais quand même…
Dix-huit langues ont bénéficié d’une reconnaissance officielle du gouvernement, et on continue à pratiquer 1 600 dialectes. L’anglais n’est pas reconnu officiellement mais est devenu la  langue véhiculaire de ceux qui ont pu bénéficier d’une scolarité, au minimum à l’école primaire. 20 % de la population parle le Hindi, souvent en plus de sa langue d’origine. Et j’ai pu constater l’engouement pour d’autres langues, en particulier le français et l’italien.
Ce multilinguisme précoce a une heureuse conséquence, comme se l’accordent à dire tous les psycholinguistes, celle de développer le « don des langues », la faculté d’assimiler d’autres langues avec aisance.
Comme exemples, je pourrais citer d’abord notre jeune guide du Rajasthan (on l’appellera Rani, « reine », comme la reine Sati, le premier temple que nous ayons visité) parlant donc hindi, anglais, et ayant appris le français au contact d’une peintre française, installée dans une havelli à Fatehpur et ayant hébergé sa famille. C’est ainsi qu’elle est devenue guide francophone (et d’après elle, une des seules jeunes filles célibataires du Rajasthan à pouvoir exercer un métier mais c’est une autre question).
Je citerais ensuite mon amie Kaur, parlant sa langue natale le penjabi (que sa mère enseignait au lycée), l’hindi, l’anglais (elle était assistante d’anglais dans les deux lycées publics de Lorient où j’ai fait sa connaissance) et ayant choisi d’étudier le français à l’université de Chandigarh ! Non seulement elle le parle parfaitement mais elle suit des cours de littérature de haut niveau et de traduction français-anglais, basés sur un ouvrage d’un universitaire indien du Québec…

Au passage, j’en profite pour signaler que si la France s’accroche à sa langue unique avec l’énergie du désespoir, elle ne fait rien pour développer le français à l’étranger, bien au contraire.
Les centres culturels français n’ont plus aucun moyen et sont délabrés au point que c’enest une hante. Les Alliances françaises, comme celle de Chandigarh, ou celle de Puducherry (Pondichéry) où de nombreux jeunes Indiens vont étudier le français, sont obligées d’augmenter leurs prix d’inscription, faute de moyens donnés par l’Etat français, ce qui en limite beaucoup l’accès.
C’est désolant, voire poignant, quand je vois le nombre de Rajasthanis rencontrés qui parlent plus ou moins le français (au contact des touristes) et souhaiteraient l’apprendre davantage. L’esprit d’ouverture est du côté du multilinguisme !

Langue unique renfermée sur l’hexagone, recroquevillée sur elle-même, au risque de la nécrose, voilà le programme des certains candidats en ces temps d’élections.
Défendre la diversité culturelle, autant menacée que la diversité biologique, et l’une ne va pas sans, l’autre est une urgence, une évidence :

Deomp de’i, allons-y, chalo (en Hindi) !


COMITE DE PARRAINAGE

Des personnalités qui ont signé l'appel à manifester le 31 mars à Quimper :

Alan Stivell , Dan Ar Braz, Idir ( El Hamid Cheriet ) , Tayfa (Farid Ait Siameur) , Ismael Lesdema ( harpiste paraguayen) ,Tri Yann, Dom Duff , Loeiz Guillamot , Hervé Bellec , Jean Failler , Bernard Berrou , Roger Faligot , Angèle Jacq , Goulc'han Kervella (Ar vro Bagan), Anne Queguiner-Boelle , Fañch An Henaff , Georges Cadoudal , Daniel Giraudon, Yann Le Meur , Michel Le Goffic , Soïg Siberil , Bernez Tangi , Jean Charles Perrazzi , Hervé le Borgne (Président Glenmor an distro) , Les ramoneurs de menhirs ( Eric Gorce, Richard Bévillon, Maurice Jouanno, Loran Bars, Laurent Boulaire, Franck Piquet, Julie Robert) , Gilles Servat , Eugène Riguidel , Christian Le Vaillant , Trio EDF (Mélaine Favennec, Gérard Delahaye, Patrick Ewen) , Manu Lannhuel , Nolwenn Korbell , Gwennyn , Clarisse Lavanant , Jean Pierre Riou (Red Cardell) ,  Les Groove Boys , Pascal Jaouen (Brodeur) , Denis Seznec (président de France Justice) , Nono , Hervé Lossec , Patrick Poivre d'Arvor, Louise Ebrel, Kévin Camus...


TOUTES LES RÉGIONS ENSEMBLE POUR
LEURS LANGUES, LEURS CULTURES

PARTOUT, sur le territoire de la République : des manifestations et des actions pour la reconnaissance de la diversité des langues et cultures des territoires de la République :

Une action collective et interrégionale sans précédent de la société civile à ce niveau à l'occcasion des élections présidentielles :

-pour la Bretagne à Quimper
-pour la Corse à  Ajaccio
-pour l'Alsace à Strasbourg
-pour l'Occitanie à Toulouse
-pour la Catalogne à Perpignan
-pour le Pays Basque à Bayonne
-pour la Savoie à Annecy
-pour la Picardie à Amiens
-pour le Poitou à Poitiers
-Dans les territoires d'Outre mer pour le créole et les autres  langues autochtones en Martinique, Guyane, la Réunion

L'ensemble des mouvements pour la défense et la promotion de la diversité des langues et cultures de la République, des artistes, des créateurs, des personnalités se mobilisent.


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