Dix-huit langues reconnues officiellement
en Inde. Et en France ?
Ce samedi 31
mars 2012, des manifestations auront lieu dans les régions françaises pour la
reconnaissance des langues régionales, à Quimper / Kemper pour la Bretagne
historique et économique, celle à cinq départements.
Depuis la
création du « royaume de France », les pouvoirs politiques quels
qu’ils soient, sont inexplicablement crispés sur cette question, l’éradication
de toute langue autre que le français de l’Ile de France étant l’obsession,
voire l’exception française.
Cela a
démarré avec François premier et l’arrêté de Villers-Cotterêts en 1539, pour
officialiser l’utilisation du français dans la vie juridique et administrative,
au détriment du latin devenu obsolète, certes, mais écartant de facto
toutes les autres langues de France. Cela a continué lors de la Révolution
Française où certains, comme l’Abbé Grégoire, pouvaient en même temps lutter
contre l’esclavage des noirs et pour l’éradication brutale des multiples
langues de France. Avec l’épisode de la Terreur, le sang abreuvant nos sillons
sanglants a fait taire les langues rebelles.
Aujourd’hui,
en 2012, on pourrait penser que l’existence de la France n’a plus besoin d’être
prouvée par l’attachement à une seule langue et que la « mère
patrie » est assez confiante en elle-même pour accueillir en son sein
généreux (^^) les parlers multiples qui fleurissent sur son sol, y compris
ultramarin.
Pourtant,
certains ont toujours la peur au ventre, une peur viscérale, impulsive,
incontrôlée, fantasmatique. Passe encore que notre président actuel, issu de
l’immigration puisque d’origine hongroise, soit reconnaissant à la France de
l’avoir nourri de son lait maternel et de ce fait, refuse l’existence d’une
autre langue que celle transmise par ce « sein généreux » (bis ^^)…
Mais qu’un
homme de gauche, comme un certain Jean-Luc Mélanchon, en soit encore à refuser
la ratification par la France de la Charte des langues régionales ou
minoritaires du conseil de l’Europe, cela dépasse l’entendement. Son
argument : il n’existe pas en France de minorités ! Autrement dit, sa
définition de la démocratie, c’est : « je ne veux voir qu’une seule
tête, et je coupe celles qui dépassent ! » Et l’argument de l’obstacle
constitutionnel ne vaut guère mieux : la constitution a été modifiée il n’y
a pas si longtemps (à l’unanimité des députés présents si ma mémoire est bonne…)
dans le but de rendre cette ratification impossible. On tourne en rond !
Du côté des
linguistes, heureusement, la nécessité de la diversité est le plus souvent
reconnue.
Certains vont
assez loin dans l’engagement, comme Gilbert Dalgalian , ci-dessous* :
LA DIVERSITÉ LINGUISTIQUE ET CULTURELLE, facteurs de l'hominisation depuis
les origines et pour longtemps encore
L'émergence d'Homo Sapiens
est inséparable de sa propre diversification dans tous les domaines :
croyances, mythes,
techniques de vie et de survie, langues, cultures, outils, armes.
Depuis les origines l'humain a dû s'adapter à un environnement changeant et souvent menaçant. Ce qui lui a valu des évolutions différentes selon les lieux, les époques et en fonction des périls toujours nouveaux.
Les migrations et les métissages ont encore renforcé cette diversification et ont partout produit des humains plurilingues et pluriculturels. C'est aujourd'hui seulement – à l'ère de la mondialisation des sciences, des techniques et de l'économie financiarisée – que cette diversité, synonyme de richesse, est menacée par un nivellement et une uniformisation.
L'anglais joue dans ce processus de nivellement un rôle clé, mais les autres grandes langues y contribuent aussi lorsqu'elles ne protègent pas, voire contrarient, les langues minoritaires partout. Le combat pour les langues est indivisible, mais ce fait n'est hélas pas perçu par les politiques, les médias, les universités, les leaders d'opinion.
Cette dérive et ce délire d'uniformisation sont d'autant plus dangereux pour l'avenir de l'espèce que nos langues sont nos vies : elles sont inscrites dans les replis de nos circonvolutions cérébrales. Et quand nous sommes bi-ou plurilingues, cette richesse neuronale fait de nous des ponts entre les cultures.
Ne pas transmettre cette richesse à nos enfants et petits-enfants est un crime contre le patrimoine d'Homo Sapiens Sapiens.
Depuis les origines l'humain a dû s'adapter à un environnement changeant et souvent menaçant. Ce qui lui a valu des évolutions différentes selon les lieux, les époques et en fonction des périls toujours nouveaux.
Les migrations et les métissages ont encore renforcé cette diversification et ont partout produit des humains plurilingues et pluriculturels. C'est aujourd'hui seulement – à l'ère de la mondialisation des sciences, des techniques et de l'économie financiarisée – que cette diversité, synonyme de richesse, est menacée par un nivellement et une uniformisation.
L'anglais joue dans ce processus de nivellement un rôle clé, mais les autres grandes langues y contribuent aussi lorsqu'elles ne protègent pas, voire contrarient, les langues minoritaires partout. Le combat pour les langues est indivisible, mais ce fait n'est hélas pas perçu par les politiques, les médias, les universités, les leaders d'opinion.
Cette dérive et ce délire d'uniformisation sont d'autant plus dangereux pour l'avenir de l'espèce que nos langues sont nos vies : elles sont inscrites dans les replis de nos circonvolutions cérébrales. Et quand nous sommes bi-ou plurilingues, cette richesse neuronale fait de nous des ponts entre les cultures.
Ne pas transmettre cette richesse à nos enfants et petits-enfants est un crime contre le patrimoine d'Homo Sapiens Sapiens.
(*)Professeur, docteur en linguistique et psycholinguiste Gilbert Dalgalian est constamment sollicité pour des conférences-débats de la part des associations de parents d'élèves et d'institutions culturelles régionales ou étrangères. Dans ces conférences il présente en termes accessibles au grand public les données récentes de la psycholinguistique et des neurosciences en matière d'apprentissage, notamment des langues.
C'est là aussi une occasion pour lui de souligner l'importance d'une éducation assise sur l'environnement local ou familial, ainsi que de sauvegarder la diversité linguistique en France et dans le monde. La diversité linguistique ou Glossodiversité est un prolongement chez l'humain de la biodiversité dans le règne du vivant.
Du côté des
membres de l’Académie Française, les prises de position de Danièle Sallenave,
intronisée aujourd’hui, contre la reconnaissance des langues minoritaires ne
sont pas surprenantes. Celles de François Cheng, grand poète à la double
culture, sont beaucoup plus surprenantes
et décevantes. Là aussi, cela doit tenir à la « reconnaissance du
ventre ».
Et l’Inde,
alors ?
Certes, la
situation n’est pas comparable, mais quand même…
Dix-huit
langues ont bénéficié d’une reconnaissance officielle du gouvernement, et on
continue à pratiquer 1 600 dialectes. L’anglais n’est pas reconnu
officiellement mais est devenu la langue
véhiculaire de ceux qui ont pu bénéficier d’une scolarité, au minimum à l’école
primaire. 20 % de la population parle le Hindi, souvent en plus de sa langue
d’origine. Et j’ai pu constater l’engouement pour d’autres langues, en
particulier le français et l’italien.
Ce
multilinguisme précoce a une heureuse conséquence, comme se l’accordent à dire
tous les psycholinguistes, celle de développer le « don des
langues », la faculté d’assimiler d’autres langues avec aisance.
Comme
exemples, je pourrais citer d’abord notre jeune guide du Rajasthan (on
l’appellera Rani, « reine », comme la reine Sati, le premier temple
que nous ayons visité) parlant donc hindi, anglais, et ayant appris le français
au contact d’une peintre française, installée dans une havelli à Fatehpur et ayant hébergé
sa famille. C’est ainsi qu’elle est devenue guide francophone (et d’après elle,
une des seules jeunes filles célibataires
du Rajasthan à pouvoir exercer un métier mais c’est une autre question).
Je citerais
ensuite mon amie Kaur, parlant sa langue natale le penjabi (que sa mère
enseignait au lycée), l’hindi, l’anglais (elle était assistante d’anglais dans
les deux lycées publics de Lorient où j’ai fait sa connaissance) et ayant
choisi d’étudier le français à l’université de Chandigarh ! Non seulement
elle le parle parfaitement mais elle suit des cours de littérature de haut
niveau et de traduction français-anglais, basés sur un ouvrage d’un
universitaire indien du Québec…
Au passage,
j’en profite pour signaler que si la France s’accroche à sa langue unique avec
l’énergie du désespoir, elle ne fait rien pour développer le français à
l’étranger, bien au contraire.
Les centres
culturels français n’ont plus aucun moyen et sont délabrés au point que c’enest
une hante. Les Alliances françaises,
comme celle de Chandigarh, ou celle de Puducherry (Pondichéry) où de nombreux
jeunes Indiens vont étudier le français, sont obligées d’augmenter leurs prix
d’inscription, faute de moyens donnés par l’Etat français, ce qui en limite
beaucoup l’accès.
C’est
désolant, voire poignant, quand je vois le nombre de Rajasthanis rencontrés qui
parlent plus ou moins le français (au contact des touristes) et souhaiteraient
l’apprendre davantage. L’esprit d’ouverture est du côté du multilinguisme !
Langue unique
renfermée sur l’hexagone, recroquevillée sur elle-même, au risque de la
nécrose, voilà le programme des certains candidats en ces temps d’élections.
Défendre la
diversité culturelle, autant menacée que la diversité biologique, et l’une ne
va pas sans, l’autre est une urgence, une évidence :
Deomp de’i, allons-y, chalo (en Hindi) !
COMITE
DE PARRAINAGE
Des personnalités qui ont
signé l'appel à manifester le 31 mars à Quimper :
Alan Stivell , Dan Ar
Braz, Idir ( El Hamid Cheriet ) , Tayfa (Farid Ait Siameur) , Ismael Lesdema (
harpiste paraguayen) ,Tri Yann, Dom
Duff , Loeiz Guillamot , Hervé Bellec , Jean Failler , Bernard Berrou , Roger
Faligot , Angèle Jacq , Goulc'han Kervella (Ar vro Bagan), Anne
Queguiner-Boelle , Fañch An Henaff , Georges Cadoudal , Daniel Giraudon, Yann
Le Meur , Michel Le Goffic , Soïg Siberil , Bernez Tangi , Jean Charles
Perrazzi , Hervé le Borgne (Président Glenmor an distro) , Les ramoneurs de
menhirs ( Eric Gorce, Richard Bévillon, Maurice Jouanno, Loran Bars, Laurent
Boulaire, Franck Piquet, Julie Robert) , Gilles Servat , Eugène Riguidel ,
Christian Le Vaillant , Trio EDF (Mélaine Favennec, Gérard Delahaye, Patrick
Ewen) , Manu Lannhuel , Nolwenn Korbell , Gwennyn , Clarisse Lavanant , Jean
Pierre Riou (Red Cardell) , Les Groove
Boys , Pascal Jaouen (Brodeur) , Denis Seznec (président de
France Justice) , Nono , Hervé Lossec , Patrick Poivre d'Arvor, Louise Ebrel,
Kévin Camus...
TOUTES LES RÉGIONS
ENSEMBLE POUR
LEURS LANGUES, LEURS
CULTURES
PARTOUT, sur le
territoire de la République : des manifestations et des actions pour la
reconnaissance de la diversité des langues et cultures des territoires de la
République :
Une action
collective et interrégionale sans précédent de la société civile à ce niveau à
l'occcasion des élections présidentielles :
-pour la Bretagne à
Quimper
-pour la Corse à Ajaccio
-pour l'Alsace à
Strasbourg
-pour l'Occitanie à
Toulouse
-pour la Catalogne à
Perpignan
-pour le Pays Basque à
Bayonne
-pour la Savoie à Annecy
-pour la Picardie à Amiens
-pour le Poitou à Poitiers
-Dans les territoires
d'Outre mer pour le créole et les autres
langues autochtones en Martinique, Guyane, la Réunion
L'ensemble des
mouvements pour la défense et la promotion de la diversité des langues et
cultures de la République, des artistes, des créateurs, des personnalités se
mobilisent.
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