vendredi 4 novembre 2011

Atelier d'écriture à Poul Fetan

Le thème proposé était "racines". Le lieu a produit les mots.

Racines

Il y a ceux qui s’enracinent et ceux qui sont sans racines et qui pleurent.
Lui, il est arrivé là, un beau jour, de passage.
Il venait de loin, d’au-delà des mers, là où s’entremêlent les racines marines des mangroves.
Il est arrivé, dans ce village fantôme, oublié des cartes routières. Ne me demandez pas comment, peut-être qu’il s’était perdu dans les forêts de brume de ce froid pays.
Il s’est enraciné dans ce terreau étranger : imaginez un banian devenant châtaigner. Il est devenu un arbre de la forêt, différent mais bien acclimaté.
Mais en secret, les soirs de neige, il pensait à son pays de soleil, ses racines devenaient chaînes, je ne parle pas des arbres, mais des chaînes de fer, en un mot, il se sentait prisonnier de cette terre qui l’avait adopté.
Alors, il a eu envie de se libérer. Il a caché une scie sous son lit. Puis une nuit il s’est décidé. L’une après l’autre, il a coupé ses racines. La sève coulait rouge comme celle du grand figuier. Il est devenu léger, léger…
Au matin, on a juste trouvé les racines coupées dans la forêt, et la scie à côté. Lui, il était parti, peut-être envolé vers les nuages blancs qu’on voit passer là-bas, là-bas…Tout le monde a pleuré.
Depuis ce jour-là, moi qui suis sans racines, je ne pleure plus, je suis juste un bateau à l’ancre, à l’abri dans le port, chaque matin au réveil, je sais que je peux m’en aller, partir vers cet horizon qu’on ne peut jamais atteindre mais qui toujours nous attire, éternelle tentation.
Même si je reste ancré là, vieille coque de noix, tant que le désir d’horizon se mêle au clapotis de la houle qui me berce, je sais que la route est libre devant moi, là-bas, là-bas, vers les nuages blancs, au-delà de l’eau, au-delà des mots…

A Poul fetan, le 31 octobre 2011
Atelier d’écriture animé par Gaëlle, association RELI-E/S.
©Mireille Le Liboux

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