jeudi 1 juillet 2010

Autobiographie dans "Interventions à Haute Voix" n°46



Autobiographie en noir et blanc
à la manière de l'OULIPO

 

  Je naquis au Havre un vingt et un février
en mille neuf cent et trois.
Ma mère était mercière et mon père mercier :
ils trépignaient de joie. 
Raymond Queneau. Chêne et chien.


 

 

 
Je naquis en Indre-et-Loire un vingt-huit juin

en mille neuf cent cinquante-et-un.

Mon père était marin d'état

ma mère très tôt de cet état

déclara : femme de marin

ne serais pas

et retourna chez son papa.


 

Mes deux géniteurs s'éloignèrent

portés par des courants contraires

puis très vite se firent la guerre.


 

Pourtant deux filles cohabitèrent

dans le ventre de la mère

qui de toutes façons

voulait un garçon.

D'un ventre si peu accueillant

nous fûmes expulsées prématurément.

P'tite sœur tira sa révérence

et reste à jamais innommée

sans tombe ni identité.

Moi, allez savoir pourquoi

j'me suis accrochée sur terre

seule dans une cage de verre.

Si mes parents trépignèrent de joie

franchement je ne m'en souviens pas

ce que je sais c'est qu' ma mère

se désintéressa de mon cas

et ne me nourrit pas

même à la p'tite cuiller

c'est ma tante qui s'en chargea.


 

Mon père voyagea trois-cent trente jours par an

apparaissant de temps en temps

voyageur étranger de passage

avec son léger bagage.

Il fit un peu semblant d'être père

puis finit par oublier

qu'étaient nés des enfants

pour aller vers des lits plus charmants.

Ma grand-mère c'était encore pire

sorte de triste vampire

elle nous terrorisait par son ire.

Mon grand-père

fut chaleureux un temps

jusqu'à l'âge de mes sept ans

époque où arriva le frère

et ce fut comme un bannissement.


 

Je vécus là des journées solitaires

jusqu'au début de l'école primaire

sans aucun ami ni repères

je ne parlais qu'aux nuages et aux pierres.


 

Des humains je ne savais rien

j'ai dû faire un long chemin

pour apprendre quoi ?

Presque rien.


 

Une vie à chercher son chemin

à vouloir faire machine arrière

à croire parfois en la lumière.


 

Jour après nuit

nuit après jour

maille à l'endroit

maille à l'envers

je suis toujours là sur terre

à me d'mander des fois pourquoi

mais septembre rayonne de lumière

un homme nu nage dans l'anse solitaire

dans la chaleur crépusculaire

finalement la vie c'est comme ça

malgré la peine et la misère

des fois

c'est pas si mal que ça.

Le Pouldu, septembre 2009

  Mireille Le Liboux

1 commentaire:

  1. Anne Jullien-Pérouas8 juillet 2010 à 17:42

    alors, joyeux anniversaire ! même à retardement et merci pour cette belle complainte

    anne

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