Autobiographie en noir et blanc
à la manière de l'OULIPO
Je naquis au Havre un vingt et un février
en mille neuf cent et trois.
Ma mère était mercière et mon père mercier :
ils trépignaient de joie.
Raymond Queneau. Chêne et chien.
en mille neuf cent cinquante-et-un.
Mon père était marin d'état
ma mère très tôt de cet état
déclara : femme de marin
ne serais pas
et retourna chez son papa.
Mes deux géniteurs s'éloignèrent
portés par des courants contraires
puis très vite se firent la guerre.
Pourtant deux filles cohabitèrent
dans le ventre de la mère
qui de toutes façons
voulait un garçon.
D'un ventre si peu accueillant
nous fûmes expulsées prématurément.
P'tite sœur tira sa révérence
et reste à jamais innommée
sans tombe ni identité.
Moi, allez savoir pourquoi
j'me suis accrochée sur terre
seule dans une cage de verre.
Si mes parents trépignèrent de joie
franchement je ne m'en souviens pas
ce que je sais c'est qu' ma mère
se désintéressa de mon cas
et ne me nourrit pas
même à la p'tite cuiller
c'est ma tante qui s'en chargea.
Mon père voyagea trois-cent trente jours par an
apparaissant de temps en temps
voyageur étranger de passage
avec son léger bagage.
Il fit un peu semblant d'être père
puis finit par oublier
qu'étaient nés des enfants
pour aller vers des lits plus charmants.
Ma grand-mère c'était encore pire
sorte de triste vampire
elle nous terrorisait par son ire.
Mon grand-père
fut chaleureux un temps
jusqu'à l'âge de mes sept ans
époque où arriva le frère
et ce fut comme un bannissement.
Je vécus là des journées solitaires
jusqu'au début de l'école primaire
sans aucun ami ni repères
je ne parlais qu'aux nuages et aux pierres.
Des humains je ne savais rien
j'ai dû faire un long chemin
pour apprendre quoi ?
Presque rien.
Une vie à chercher son chemin
à vouloir faire machine arrière
à croire parfois en la lumière.
Jour après nuit
nuit après jour
maille à l'endroit
maille à l'envers
je suis toujours là sur terre
à me d'mander des fois pourquoi
mais septembre rayonne de lumière
un homme nu nage dans l'anse solitaire
dans la chaleur crépusculaire
finalement la vie c'est comme ça
malgré la peine et la misère
des fois
c'est pas si mal que ça.
Le Pouldu, septembre 2009
Mireille Le Liboux
alors, joyeux anniversaire ! même à retardement et merci pour cette belle complainte
RépondreSupprimeranne