Un marin breton en
Indochine. Claude Trividic. Emgleo Breiz.
Ce livre exposé à la
médiathèque de Larmor a attiré mon attention car c’est le témoignage authentique
d’un matelot sur la vie méconnue des marins pendant cette guerre menée par la France
et oubliée. Et aussi parce que mon père était dans la Royale et même si je l’ai
à peine connu, je sais qu’il était au large de l’Indochine dans les années
cinquante. C’est même ainsi que s’est effectuée la rencontre improbable entre
lui et ma mère qui était correspondante de guerre : à cette époque on
remontait le moral des troupes en trouvant des jeunes femmes volontaires pour
écrire aux matafs. J’ai d’ailleurs encore un service à thé datant de cette
époque, de ceux où on voit une femme à poil par transparence au fond de la
tasse. Ma mère ne l’a évidemment jamais utilisé !
J’ignore sur quel bateau
était mon père en Indochine, mais les noms de Jean-Bart, Richelieu et Dupetit-Thouars résonnent dans ma mémoire.
Plus tard, j’ai visité la Jeanne D’Arc
quand j’avais une dizaine d’années.
Pour en revenir au livre,
l’auteur, Claude Trividic, né dans le Cap Sizun, avait signé un engagement de
deux ans, de 1951 à 1953 pour une campagne d’Indochine. Ayant jeté son journal
de l’époque, c’est de mémoire qu’il recompose aujourd’hui ses souvenirs. C’était
sur un coup de tête après une déception amoureuse et très vite il semble
regretter cette décision. Car ce qu’il nous décrit ressemble plutôt au bagne qu’à
un emploi au service de la France en guerre ! On a du mal à imaginer aujourd’hui
comment étaient traités ces hommes ayant choisi la carrière militaire !
Un tiers du livre est
consacré au transport des troupes dans les cales d’un cargo mixte hors d’âge durant de longs mois. Les bannettes sont constituées d’une seule toile
soutenue par une barre métallique, si bien que dès que l’un bouge, l’autre se
réveille. Un chargement de voitures, des Peugeot 203, sera utilisé pour tenter
de trouver un peu de repos sur les banquettes arrières.
La nourriture est
infecte au point d’avoir tenté une « grève de gamelles ». Les marins
souffriront pendant les deux années du scorbut par manque de légumes et fruits.
L’eau douce et rare si bien que, sous les tropiques, des maladies de peau douloureuses
vont s’installer sans jamais être soignées : les dartres par exemple
rendent le port du slip impossible car trop douloureux. La chaleur moite dans
les cales est insupportable. Ces hommes peuvent-ils au moins s’approvisionner
aux escales ? Leur solde mensuel est si infime, estimé par l’auteur à l’équivalent
de 25 € par mois, ne permet guère de faire des dépenses.
Enfin arrivé à Haïphong,
il est affecté sur un navire-atelier, le Jules-Verne,
destiné à effectuer les réparations des navires de la flotte. Les marins ont de
bonnes relations avec la population autochtone et sont tout sauf des « va-t-en
guerre ». Certaines personnes âgées rappellent à l’auteur sa mammig adorée. Ce qui le rend bien
triste quand on donne l’ordre aux marins de détruire des embarcations de
nomades vivant sur l’eau. Les passagers sont récupérés mais terrorisés se
glissent discrètement à l’eau pendant la nuit avec femmes et enfants. Ou encore
lorsqu’il voit un village brûlé par le Viet-minh au motif que les habitants ont
lié des relations avec l’occupant. On découvre aussi la cruauté de la police
vietnamienne envers les prisonniers rebelles viet-minh : les marins
empêcheront l’un des leurs de torturer un prisonnier transféré sur le navire et
s’arrangeront pour qu’il soit traité humainement.
C’est tout un pan de notre
histoire vécue au quotidien par des marins embarqués que nous révèlent les
mémoires de Claude Trividic dans un style sobre et émouvant par l’émotion
suggérée entre les lignes et aussi très souvent teinté d'humour.
Un très bon article à lire sur Le Télégramme :
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