mercredi 23 avril 2014

Littérature d'Islande



En préparation de la découverte de l’Islande, je lis tout ce qui me tombe sous la main à la médiathèque, mon œil étant attiré par les noms d’auteurs se terminant par « son » (fils de) ou « dottir » (fille de) puisque les Islandais n’ont pas de noms de famille et se définissent ainsi à l’état-civil.

Le plus connu est l’auteur de polars noirs Arnaldur Indridason dont nous pouvons suivre les personnages d’un livre à l’autre.
Son policier dépressif Erlendur, dont la fille se drogue, n’a rien à envier à Wallendur, le policier du suédois Henning Mankell. Indridason nous promène dans les paysages glacés et glaçants de Reyjavik et des montagnes environnantes où on disparaît sans laisser de traces lors des tempêtes subites.
Comme dans tout polar, chaque livre traite d’un sujet de société, par exemple La Cité des jarres évoque le centre de collecte des données génétiques de la population qui a beaucoup ému les Islandais.
J’ai relevé une phrase d’Indridason qui pour moi résume l’ambiance du pays selon l’auteur et son humour teinté d’autodérision. C’est dans La muraille de lave, livre qui met en scène les spéculateurs effrénés ayant provoqué la faillite du pays. Le policier Sigurdur Oli et son ex-femme sont au restaurant italien :
« Ils se turent un long moment. Le vin italien venu de Toscane avait un goût aussi doux que fruité sur leurs papilles. La musique qui tombait du plafond était italienne, tout comme le plat qu’ils attendaient qu’on leur serve. Seul le silence était islandais. »


Le silence, la rudesse des grandes plaines peuplées de moutons, nous y sommes plongés dans Lettre à Helga, de Bergsveinn Birgisson, édité chez Zulma.
Un vieil homme, éleveur de moutons, depuis la maison de retraite, écrit à Helga, l’amour de sa vie qu’il a sacrifié à sa femme devenue stérile, au poids de la morale, à l’amour de la campagne islandaise puisqu’il renonce à suivre à la ville Helga et l’enfant qu’ils ont eue par un soir de folie unique. Un livre fort et rugueux, émouvant, le point de vue d’un homme écrit par un homme, où la force du désir est exprimée avec force et simplicité.

Toujours chez Zulma, Rosa Candida, d’Audur Ava Olafsdottir.
L’élément déclencheur du voyage du jeune héros « sur le continent » est la mort de sa mère dans un accident « dans un champ de lave ». Et sa mère, dans le froid glacial de l’hiver, avait réussi à construire une serre où poussaient des rosiers, dont la « rosa candida », variété très rare. Indépendamment du récit de ses aventures (on devine qu’il traverse la France même si aucun lieu n’est cité et que l’on reste dans une sorte de conte, puis arrive dans un monastère que j’imagine dans les montagnes pyrénéennes), c’est la relation géographique au pays qui m’intéresse, la lave, la neige et le miracle des roses. Chez Arnaldur Indridason, les groseilliers sont le leitmotiv de La femme en vert. La vie, entre glace et feu malgré l’interminable hiver.

 Avec Karitas, sans titre de Kristin Marja Baldursdottir, publié chez Gaïa, je me suis plongée dans le pays au point d’avoir eu parfois l’illusion d’y être déjà allée.
Ici, c’est le point de vue des femmes, écrit par une femme. On voyage autour de l’Islande depuis les fjords de l’Ouest en 1900 avec la mère, veuve avec six enfants, jusqu’à l’Öræfi au sud du glacier Vatanjökull en 1939 avec sa fille Karitas devenue femme de marin abandonnée à la campagne et artiste peintre. Karitas a étudié la peinture à l’école royale des beaux-arts de Copenhague grâce à une riche mécène qui s’ennuie.
Entre chaque chapitre est inséré un tableau présenté par son étiquette, d’où le titre du roman : il s’agit du premier tableau qui ouvre le livre : « Karitas. Sans titre, 1915. Dessin au crayon ». On connaît le dur salage du poisson qui brûle les mains, la vie en autarcie de ces femmes solidaires, les travaux des champs, les maisons de tourbe, la fabrication des vêtements pour toute la famille et pour gagner un peu d’argent, les rencontres avec les Elfes dans la noirceur de l’hiver (en Islande, on n’a pas hésité à détourner une route pour ne pas déranger les elfes dans leur habitation, vous imaginez ça chez nous ?) Que les hommes soient présents ou non (beaucoup de ces femmes sont seules), elles triment pour élever leurs enfants et se serrent les coudes. Le droit de vote des femmes y est évoqué avec enthousiasme, elles osent affirmer leur indépendance. Un livre puissant, prenant, inspiré de la vie réelle, bien plus qu’un roman. 



Ce qui me frappe et m’attire chez ces auteurs d’Islande, c’est une originalité, l’omniprésence des éléments, de la nuit, du vent, de la montagne, de la mer, de la glace, du feu, une force, une autre voix, poétique.

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