En préparation
de la découverte de l’Islande, je lis tout ce qui me tombe sous la main à la
médiathèque, mon œil étant attiré par les noms d’auteurs se terminant par
« son » (fils de) ou « dottir » (fille de) puisque les
Islandais n’ont pas de noms de famille et se définissent ainsi à l’état-civil.
Le plus connu
est l’auteur de polars noirs Arnaldur Indridason dont nous pouvons suivre les
personnages d’un livre à l’autre.
Son policier
dépressif Erlendur, dont la fille se drogue, n’a rien à envier à Wallendur, le
policier du suédois Henning Mankell. Indridason nous promène dans les paysages glacés
et glaçants de Reyjavik et des montagnes environnantes où on disparaît sans
laisser de traces lors des tempêtes subites.
Comme dans tout
polar, chaque livre traite d’un sujet de société, par exemple La
Cité des jarres évoque le centre de collecte des données génétiques de
la population qui a beaucoup ému les Islandais.
J’ai relevé une
phrase d’Indridason qui pour moi résume l’ambiance du pays selon l’auteur et
son humour teinté d’autodérision. C’est dans La muraille de lave,
livre qui met en scène les spéculateurs effrénés ayant provoqué la faillite du
pays. Le policier Sigurdur Oli et son ex-femme sont au restaurant italien :
« Ils se
turent un long moment. Le vin italien venu de Toscane avait un goût aussi doux
que fruité sur leurs papilles. La musique qui tombait du plafond était
italienne, tout comme le plat qu’ils attendaient qu’on leur serve. Seul le silence était islandais. »
Le silence, la
rudesse des grandes plaines peuplées de moutons, nous y sommes plongés dans Lettre
à Helga, de Bergsveinn Birgisson, édité chez Zulma.
Un vieil homme, éleveur
de moutons, depuis la maison de retraite, écrit à Helga, l’amour de sa vie qu’il
a sacrifié à sa femme devenue stérile, au poids de la morale, à l’amour de la
campagne islandaise puisqu’il renonce à suivre à la ville Helga et l’enfant qu’ils
ont eue par un soir de folie unique. Un livre fort et rugueux, émouvant, le
point de vue d’un homme écrit par un homme, où la force du désir est exprimée
avec force et simplicité.
Toujours chez
Zulma, Rosa Candida, d’Audur Ava Olafsdottir.
L’élément
déclencheur du voyage du jeune héros « sur le continent » est la mort
de sa mère dans un accident « dans un champ de lave ». Et sa mère,
dans le froid glacial de l’hiver, avait réussi à construire une serre où
poussaient des rosiers, dont la « rosa candida », variété très rare.
Indépendamment du récit de ses aventures (on devine qu’il traverse la France même
si aucun lieu n’est cité et que l’on reste dans une sorte de conte, puis arrive
dans un monastère que j’imagine dans les montagnes pyrénéennes), c’est la
relation géographique au pays qui m’intéresse, la lave, la neige et le miracle
des roses. Chez Arnaldur Indridason, les groseilliers sont le leitmotiv de La
femme en vert. La vie, entre glace et feu malgré l’interminable hiver.
Avec Karitas,
sans titre de Kristin Marja Baldursdottir, publié chez Gaïa, je me suis
plongée dans le pays au point d’avoir eu parfois l’illusion d’y être déjà allée.
Ici, c’est le
point de vue des femmes, écrit par une femme. On voyage autour de l’Islande
depuis les fjords de l’Ouest en 1900 avec la mère, veuve avec six enfants,
jusqu’à l’Öræfi au sud du glacier Vatanjökull en 1939 avec sa fille Karitas devenue
femme de marin abandonnée à la campagne et artiste peintre. Karitas a étudié la
peinture à l’école royale des beaux-arts de Copenhague grâce à une riche mécène
qui s’ennuie.
Entre chaque
chapitre est inséré un tableau présenté par son étiquette, d’où le titre du
roman : il s’agit du premier tableau qui ouvre le livre : « Karitas.
Sans titre, 1915. Dessin au crayon ». On connaît le dur salage du poisson
qui brûle les mains, la vie en autarcie de ces femmes solidaires, les travaux
des champs, les maisons de tourbe, la fabrication des vêtements pour toute la
famille et pour gagner un peu d’argent, les rencontres avec les Elfes dans la
noirceur de l’hiver (en Islande, on n’a pas hésité à détourner une route pour
ne pas déranger les elfes dans leur habitation, vous imaginez ça chez nous ?)
Que les hommes soient présents ou non (beaucoup de ces femmes sont seules),
elles triment pour élever leurs enfants et se serrent les coudes. Le droit de
vote des femmes y est évoqué avec enthousiasme, elles osent affirmer leur
indépendance. Un livre puissant, prenant, inspiré de la vie réelle, bien plus
qu’un roman.
Ce qui me frappe
et m’attire chez ces auteurs d’Islande, c’est une originalité, l’omniprésence
des éléments, de la nuit, du vent, de la montagne, de la mer, de la glace, du
feu, une force, une autre voix, poétique.
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