Un ami poète, Alain Jégou nous a quittés. Il restera toujours présent dans mon coeur par sa poésie et sa sensibilité. Je lui dois les pages suivantes publiées en 2009 dans L'Empreinte des cygnes :
"Je viens de lire un poète d’ici, de la région
lorientaise. Alain Jégou, poète et marin-pêcheur. La Bretagne est riche en
fortes personnalités, rebelles et créatives. J’ai lu son « carnet de
bord », qui porte le nom de son bateau Ikaria
LO686070. Ces courts textes en prose poétique, simple et forte m’ont
rappelé les navigations que j’ai faites en Bretagne et en mer Celtique, entre
l’Irlande et les îles Scilly.
En voici un extrait :
Korn Loc’h
Les ciels
chaque jour diffèrent, mais demeurent toujours imperturbables, impitoyables,
indifférents à tout ce qui peut salement vous fendre l’émotion, à tout
événement tragique survenant en l’espace rase-mottes qu’ils dominent de leur
glaciale arrogance. Sur mer, plus encore que sur terre où certains obstacles
naturels leur patafiolent le masque, ils imposent leur loi et détiennent tous
pouvoirs sur les éléments qu’ils manipulent et font déchaîner à leur guise.
Assise sur un rocher, au ras des vagues, j’ai laissé
émerger, en résonance, les deux textes suivants :
Lire les mots
suivre la trace
dans les turbulences ouatées
calligraphies de la nuit
encre de Chine
nuit jazzy
suivre la trace
approfondir le rêve
fuir la médiocrité
vie de terrien
vent de nordet
dans les Coureaux
filet à l’eau
mains glacées
engelures
sur le pont frétillements
dans quelques heures la criée
vent de suroît
houle traversière,
le bateau se déhanche
gonzesse
rêve
le cœur à la lame
trop amoureuse
épousailles marines
dans le sillage
filet à l’eau
fil invisible
cap vers l’errance
chercher le fil de la vie
tisser les mots
journal de bord
suivre la trace.
*
Mots enfouis dans les grands fonds
les chercher un à un
souffle à souffle
les sortir de la nuit marine
cailloux informes à fracasser.
les mettre au soleil
encore luisants
casser la gangue
s’immiscer dans la fêlure
et regarder tout étonné.
certains vont s’éteindre au soleil
fleurs desséchées
d’autres s’épanouir
étoiles de mer
que faire
de ces mots hétéroclites
fragments inaudibles
les assembler
trouver les intervalles
les tricoter
maille après maille
comme un cap-hornier.
continuer
espérer
jour après jour
souffle après souffle
enfin remonter
dans le trémail
la perle d’espoir."
Mireille Le
Liboux. L’empreinte des cygnes.
Chemins bleus, 2009.
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