Jean-¨Pierre Abraham. Armen.
Mes émotions devraient pouvoir se passer de mots.
Louis Cozan. Un feu sur la mer.
Au large des péninsules
là où se heurtent les grands courants
ils ont dressé des tours de pierres
contre le vent.
Ils ont arrimé sur le rocher
chaque moellon de granite
élevé la tour fragile
de leur souffle et de leur sang
fait tourner la lumière
ouvert des yeux sur la mer.
Puis ils ont inventé des hommes
nés de la pierre et du vent
des hommes aux mots de silence
pour avoir partagé
l'indicible intimité
des nuits entre la roche et l'océan.
Plus tard ils ont fait l'économie
des hommes de sel et de vent
ils ont automatisé les phares
tours inhabitées
accrochées à leur rocher.
C'est fini
plus personne pour lustrer
les cuivres vernis
pour chercher des jours entiers
ce gris de perle
ce gris de lumière
de la jeune fille de Vermeer
et puis repeindre la pierre
le bord de la fenêtre
en pensant à l'hiver.
Abandonnés à la rouille
et à la moisissure
les phares se meurent
dans la lumière éteinte
de leurs cuivres ternis.
Là-haut dans la chambre de veille
plus de regard pour les marins
pour les pêcheurs de l'île de Sein.
Ils ont débarqué les derniers gardiens
ils ont fermé les yeux de la mer.
© Mireille le Liboux
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